ACCUEILLIR UN CIRQUE OU UNE FETE FORAINE EN VILLE

ACCUEILLIR UN CIRQUE OU UNE FETE FORAINE EN VILLE

Publié le 24/01/2018 dans ACTUALITES

 

COMMENT ACCUEILLIR UN CIRQUE OU UNE FETE FORAINE EN VILLE

Il n’est pas toujours aisé pour une commune d’organiser l’accueil de forains et de circassiens dans les meilleures conditions, avec des contraintes qui sont nombreuses.

L

es relations entre l’Etat, les élus, les forains et les circassiens nourrissent depuis quelques mois une abondante actualité. En 2016, l’Etat engageait une vaste concertation qui débouchait sur la nomination d’un délégué interministériel aux cirques et aux fêtes foraines, le préfet Gérard Lemaire. Ce dernier a remis, l’été dernier, son rapport au ministre de l’intérieur dans lequel il recommandait la création d’une instance de concertation entre les acteurs. C’est chose faite : fin octobre, le gouvernement a créé par décret une « commission nationale des professions foraines et circassiennes ».

S’interrogeant sur la place des foires et des cirques dans les villes, l’AMF a mis en place depuis longtemps, un groupe de travail permanent dédié à cette question et a rédigé un guide de préconisations en 1995, en voie de toilettage. Afin de nourrir les réflexions avec le préfet Lemaire, l’AMF a mené une courte enquête fin 2016 sur l’accueil des cirques et des fêtes foraines. Celle-ci a montré notamment que le degré de dialogue voire de difficultés est très variable selon les territoires et le contexte local, nécessitant de trouver des solutions en termes de concertation.

Pas de mise en concurrence
L’ordonnance du 19 avril 2017, dont les dispositions sont entrées en vigueur en juillet, pose le principe d’une procédure de sélection préalable à l’autorisation d’occupation du domaine public en vue d’une activité commerciale. Mais cette ordonnance prévoit deux exceptions : les occupations de courte durée ; le nombre de places illimité. Autrement dit, lorsque la commune ou l’EPCI peut accorder autant d’autorisations qu’il y a de candidat, l’obligation de mise en concurrence ne s’applique pas. L’accueil des foires et des cirques relève de ces exceptions, ce qui ouvre la voie des autorisations sans procédure de sélection préalable, mais n’exclut pas de procéder à des mesures de publicité. Une circulaire du 19 octobre 2017 met en avant que la procédure de publicité simplifiée, prévue par l’ordonnance pour les occupations de courte durée, convient pour de nombreuses demandes d’installation des forains et des cirques. Il s’agit en fait d’une publicité annuelle précisant les conditions générales d’attribution du domaine public de la commune dédié à ces manifestations. Un affichage en mairie ou sur son site internet peut suffire.

Le choix et le respect du site
Les litiges entre élus et forains concernent souvent, en premier lieu, les questions d’implantation de la manifestation en centre-ville et le stationnement des camions et des résidences mobiles. Certains cirques voire des manèges s’installent aussi parfois sur des terrains privés, afin de contourner les refus d’autorisation des communes. Si, dans ce cas de figure, le maire ne peut intervenir directement sans autorisation du propriétaire, il doit s’assurer de la sécurité de la voie publique aux abords du terrain privé, voire saisir le préfet en cas de difficultés potentielles.

De plus, il est conseillé de prévoir un emplacement attractif, accessible et adapté, doté de raccordements à l’électricité et à l’eau, et de bennes à ordures. Le rapport Lemaire recommande de « s’inspirer de la loi Besson pour recommander la mise à disposition des cirques de terrain(s) sommairement aménagé(s) dans chaque intercommunalité ». Selon le rapport, la fourniture d’électricité peut être gratuite, forfaitisée ou calculée selon la consommation réelle. La gestion des fluides reste en effet un souci pour les élus, tout comme la détérioration du matériel urbain et l’endommagement des terrains. Pour y pallier, l’établissement d’un état des lieux d’entrée et de sortie du site avec les professionnels circassiens et forains sera conseillé.

La rédaction d’un règlement ou d’un arrêté
Si l’enquête de l’AMF a montré que 61% des communes répondantes n’ont pas signalé de difficultés avec les forains, 54% avec les circassiens, la rédaction d’un règlement intérieur ou d’un arrêté s’avère primordial afin de prévoir clairement les modalités d’accueil des professionnels et l’engagement de ces derniers à s’y conformer. Toujours d’après l’enquête, 60% des communes l’ont fait pour les fêtes foraines, mais seulement 21% pour les cirques.

Désigner un référent
Les relations entre communes et professionnels ne sont pas toujours simples, d’autant que forains et circassiens pâtissent d’un manque de représentation unitaire (un écueil relevé par le préfet Lemaire, qui demande aux deux professions d’unifier leurs représentations). Or, selon l’enquête de l’AMF, 71% des communes n’ont pas instauré d’instance spécifique de dialogue avec ces professionnels.

Outre l’importance pour les professionnels d’améliorer leur représentativité, il est conseillé de désigner, au sein de l’équipe municipale, un référent chargé des relations avec les foires et les cirques (si possible épaulé par un technicien). Ce référent sera amené à devenir pour les forains, un interlocuteur dûment identifié et privilégié. De même, les communes sont encouragées à organiser une concertation préalable à toute décision importante pouvant impacter ces manifestations (modification des conditions d’accueil, d’installation ou d’organisation) : le rapport Lemaire propose d’ailleurs de faire entrer cette obligation dans le champ législatif.

Le cas des cirques avec animaux
La place des animaux sauvages dans les cirques est devenu un sujet de société sensible. En réponse aux demandes des associations de défense des animaux, plus de 60 communes auraient déjà pris des arrêtés ou des délibérations interdisant les cirques avec animaux. De son côté, l’AMF a rappelé, en janvier 2017, à des associations de protection animale, que « la présence des animaux dans les cirques est actuellement autorisée et encadrée par la règlementation. Il n’appartient donc pas aux élus de décider de la légalité ou non de la présence d’animaux, considérant que le traitement de cette question ne peut se faire qu’au niveau législatif ». Dans cet épineux débat, l’un des enjeux consiste à concilier la liberté de commerce des cirques et la libre administration des collectivités. Les élus pointent du doigt la multiplication des pressions parfois agressives de la part des différentes associations de défense des animaux faites aux collectivités à ce sujet, et ont ainsi prôné une meilleure coordination entre elles. La circulaire du 19 octobre 2017 enjoint les préfets « à favoriser le dialogue et la concertation préalable » entre les forains et les collectivités concernées, en rappelant que « toute mesure d’interdiction générale et absolue des cirques et fêtes foraines doit faire l’objet d’une attention particulière ». Un sujet qui sera sans nul doute au menu des discussions de la nouvelle commission nationale des professions foraines et circassiennes.

 

Références

·       Décret N°2017-1501 du 27 octobre 2017 relatif à la commission nationale des professions foraines et circassiennes.

·        Circulaire NOR : CPAE1727822C du 19 octobre 2017 précisant les modalités d’application de l’ordonnance du 19 avril 2017 aux besoins spécifiques des professionnels du cirque et de la fête foraine.

·       Instruction du 7 avril 2017 du ministre de l’Intérieur rappelant aux préfets le rôle de médiation qu’ils peuvent jouer entre les professions du cirque et de la fête foraine et les municipalités en cas de litiges.

·       Ordonnance n°2017-562 du 19 avril 2017 relative à l’obligation de mise en concurrence de l’occupation du domaine public.

 

Chiffres-clés
Le rapport Lemaire estime que les foires concernent 35 à 50 000 emplois, et les cirques 5000.

 

 

UN NOUVEL OUTIL DE CONCERTATION

Créée par le décret du 27 octobre 2017, auprès du Premier ministre, la commission nationale des professions foraines et circassiennes se présente comme une instance de concertation entre ces professionnels et les pouvoirs publics. Elle vise notamment à « formuler des propositions visant à garantir la bonne prise en compte de la spécificité de leurs activités économiques et du mode de vie mobile des personnes exerçant ces professions » et peut constituer des groupes de travail thématiques. Elle est composée de 8 représentants de l’Etat, 8 représentants des professionnels ou associations de forains et circassiens, ainsi que 8 maires, dont un président d’EPCI, désignés par l’AMF.

 

Avis d’expert
Xavier Cadoret, maire de Saint Gérand le Puy (03) co-président du groupe de travail fêtes foraines et cirques à l’AMF.

 

« Même s’il reste très délicat de parler des cirques et des fêtes foraines en général, et d’envisager ce dossier dans un unique ensemble, ces animations contribuent à dynamiser nos villes et nos villages. Il est également nécessaire de souligner que certaines de ces structures, surtout les petits cirques familiaux, sont totalement dépendantes de leurs installations dans les communes et donc de l’accueil des maires. Parmi les conseils que l’on pourrait donner aux élus afin de mieux organiser cet accueil, il me semble qu’une des clés repose sur un personnel dédié. Forains et circassiens s’adressent en effet parfois à nous au dernier moment et essuient donc des refus. Les situations se crispent, d’autant que certains choisissent alors de s’installer sur des terrains privés. Lorsqu’une commune possède un référent, le dialogue est facilité et de telles impasses peuvent être plus aisément évitées. De même, il me semblerait intéressant qu’au sein des antennes départementales de l’AMF, un référent soit aussi chargé de ce dossier et puisse faire aussi remonter les informations collectées sur le terrain.»


 


Source : Magazine MAIRES DE FRANCE
Janvier 2018 - n°35 - p.50-51