CINEMA

CINEMA

Publié le 20/07/2017 dans ACTUALITES

 

A la recherche des femmes chefs,
documentaire de Vérane Frédiani

 

Sur les 2650 chefs étoilés dans le monde, 5 % sont des femmes, cinq seulement ont trois étoiles dont la française Anne-Sophie Pic. Vérane Frédiani est partie à la rencontre de professionnelles de la cuisine, interrogeant notamment les américaines Alice Walters et Barbara Lynch, la bretonne Dominique Crenn installée à San Francisco ou des restauratrices encore moins reconnues mais non moins talentueuses, en Amérique latine ou en Asie. Elle évoque avec elles leur parcours et leur place au sein de cet univers très masculin. Elles les rencontre souvent sur leur lieu de travail car elles n'ont guère l'opportunité de faire la promotion de leur activité et ne sont pas réellement invitées à le faire, contrairement à leurs collègues hommes. Invitées à exposer leurs expériences variées, elles rappellent chacune à leur manière que leur intégration n'est jamais chose aisée mais que toutes sont motivées par une même ambition, celle de vivre leurs rêves sans être limitées par leur genre. Un panorama non exhaustif et engagé, destiné à faire évoluer les mentalités et à prêter plus d'attention à celles qui participent à l'épanouissement de nos papilles.

 

 

 

Ava
Une petite fille grandit

 

Ava, 13 ans, en vacances à la mer, apprend qu'elle va bientôt perdre la vue. Pour attirer l'attention d'un beau gitan, Ava vole son grand chien noir. Ce conte initiatique présenté à la Semaine de la Critique à Cannes reprend les codes des premiers émois d'une adolescente avec attirance pour le ténébreux sauvage, pudeur foulée aux pieds par l'urgence de vivre ses émotions en accéléré, absence du père et part de mystique tranchant avec le naturalisme à la française. Coscénariste des «Fantômes d'Ismaël» d'Arnaud Desplechin, Léa Mysius confirme, malgré la très relative originalité de son premier film, qu'elle peut transcender un sujet prévisible par une ambition visuelle et une réelle audace sur la représentation de la sexualité. Elle n'élude rien de la force des premiers désirs et comment Ava (Noée Abita, prometteuse) prend le pouvoir sur un garçon qui se laisse guider par l'intensité de son regard sur lui. Sa mère compréhensive, autant sur l'avenir de sa fille que ses envies de devenir femme, est jouée par Laure Calamy qui glisse aisément de la légèreté de caractère à l'émotion profonde. Un cinéma à la lisière de l'étrange, à encourager mais sans être dupe de certaines conventions.

 

 

 

Embrasse-moi !
Une romance d'aujourd'hui

 

Lorsqu'Océanerosemarie rencontre Cécile, elle pense avoir rencontré le grand amour de sa vie. Déterminée à charmer cette femme au tempérament éloigné du sien, elle doit apprendre à changer son mode de vie de grande dragueuse. Déçue de ne pas se reconnaître au cinéma, la chanteuse et humoriste Océanerosemarie s'est lancée dans l'écriture de cette comédie romantique lesbienne sans portée militante, les états d'âme de sa séductrice compulsive étant liés avant tout à ses angoisses d'amoureuse. La principale réussite de ce premier long-métrage réalisé en duo avec Cyprien Vial est dans la «normalisation» de cette relation et par le choix de confier l'autre rôle à Alice Pol, actrice de comédies romantiques populaires avec Danyboon («RAID Dingue», «Supercondriaque»). Résistante à la tempête qui veut la conquérir, son personnage crée un trouble, l'émotion passant par cette crainte constante de la voir disparaître. Parmi les seconds rôles, on retrouve l'impétueuse Laure Calamy en ex encombrante et inconstante qui s'est trop rapprochée de la mère d'Océanerosemarie (Michèle Laroque). Une comédie pas révolutionnaire pour deux sous mais qui a le mérite d'apporter un peu de fraîcheur.

 

 

 

Grand froid
Un mort récalcitrant

 

Le nombre de clients s'amenuisant, l'entreprise de pompes funèbres d’Edmond Zweck subit la crise de plein fouet. Georges, son bras droit et le jeune Eddy accompagnent un cher disparu vers sa dernière demeure. En pleine tempête de neige, ils se perdent et sèment la voiture où se trouvent la famille du défunt, le curé et les enfants de choeur. Gérard Pautonnier fait preuve d'une agréable maîtrise dans l'humour noir en adaptant le roman «Edmond Ganglion & fils» de Joël Egloff. L'art de la formule chère à Michel Audiard résonne dans les répliques cinglantes prononcées par des acteurs au meilleur de leur forme. Jean-Pierre Bacri est le mélancolique Georges, proche de la retraite et loin du dévouement de ses débuts et Arthur Dupont un apprenti encore protégé par l'enthousiasme de sa jeunesse. L'apparition de Féodor Atkine suscite de nombreux sourires, autant par son intrusion surprenante que par la réaction de ses deux comparses dans leur odyssée inattendue. Une comédie cocasse avec une gestion toute personnelle de la durée des scènes et des blagues de plus ou moins bon goût sur la mort, notamment dans le suspense hilarant autour de l'éventuel trépas d'une vieille dame envahissante.

 

 

 

Visages Villages
À la rencontre des français

 

La réalisatrice Agnès Varda, 88 ans et le photographe JR, 33 ans, partent en camion sur les routes de France pour prendre des instantanés d'une population rurale dont ils sont curieux et afficher leurs images sur des supports extérieurs inattendus. Le duo fait de belles rencontres liées à des désirs d'images très précis ou reposant sur le hasard de leurs pérégrinations. Ce projet est d'autant plus sympathique que sous notre regard une amitié complice se développe. Elle veut le forcer à poser ses lunettes noires et lui refuse de dévoiler ses yeux. Il préfère la taquiner sur son grand âge et veut lui faire parler de la mort et de ses grands disparus, elle résiste avant de céder, parfois. Au delà de quelques provocations réciproques, ils se dévoilent en surjouant devant la caméra complice leurs fâcheries lorsqu'ils se poussent dans leurs retranchements respectifs. Cette rencontre inattendue entre la vénérable cinéaste et cette vedette montante de l'art contemporain nous amuse et nous émeut même parfois, lors d'une promenade inattendue en Suisse en guise de conclusion qui laisse comme un goût d'inachevé dans cet essai en liberté qui, loin d'être testamentaire, est tourné vers l'avenir.

 

 

 

Les hommes du feu
Le feu, c’est beau... de loin

 

L'été dans le Sud de la France. Bénédicte débarque dans la caserne de pompiers dirigés avec poigne par Philippe, inquiet par des feux probablement d'origine criminelle. Dès sa prise de fonction, l'adjudante sera plongée dans l'action et devra affronter les conséquences d'un grave accident de la route. Pierre Jolivet mêle acteurs reconnus (à commencer par Roschdy Zem en figure d'autorité, toujours humain et empathique) et vrais pompiers pour rendre hommage à une corporation peu évoquée au cinéma. Pierre Jolivet montre leur dévouement et leur sens du sacrifice avec une approche sobre, évitant le registre spectaculaire. Il suit ses personnages à travers une multitude d'événements plus ou moins graves inspirés de faits réels, qui s'enchaînent comme un catalogue du champ possible d'interventions de ces soldats du feu. Cette accumulation plonge le spectateur dans un quotidien marqué par la capacité à réagir à tout moment car ils peuvent être appelés d'urgence, qu'ils soient en caserne, sur leur autre lieu de travail (ils sont bénévoles pour la plupart) ou en famille. Le personnage d'Emilie Dequenne permet par ailleurs de s'interroger sur la place de la femme dans ce milieu.

 

 

 

Pascal Le Duff