CINEMA

CINEMA

Publié le 13/12/2017 dans ACTUALITES

 

La Villa
La lutte finale

Au chevet de leur père victime d'une attaque, une sœur et deux frères se retrouvent après des années d'éloignement. Angèle, toujours sous le deuil qui a distendu leurs liens, Joseph, accompagné de sa trop jeune fiancée Bérangère qui s'éloigne de lui et Armand, l'aîné qui, contrairement à eux, n'est jamais parti et s'occupe du restaurant ouvrier bon marché situé en dessous de la villa familiale. Robert Guédiguian signe un très beau film sur le passage du temps, qui affecte une fratrie et le petit paradis où ils ont vécu. Cette calanque extraite du monde, à quelques encablures de Marseille, a été vidée de ses habitants, la valeur immobilière de leurs propriétés se révélant plus forte que l'idée de communauté. Le présent mélancolique contraste avec les souvenirs heureux, représentés par un flash-back que nul autre cinéaste ne peut s'offrir, grâce à son travail depuis plus de trente ans avec sa troupe fidèle : Jean-Pierre Darroussin, amoureux amer aux piques mordantes, Ariane Ascaride, mère meurtrie qui tente de reprendre goût à la vie et Gérard Meylan, taiseux sensible. En incluant le sort des réfugiés à celui de ses personnages ancrés dans le passé, il intègre un discours fort sur le monde actuel.

 

 

 

Coco
Noces funèbres au Mexique

Miguel, adolescent mexicain, rêve de suivre les pas de son idole Ernesto de la Cruz, star de la chanson, disparu depuis longtemps dans un triste accident. Hélas pour lui, toute forme de musique est considérée comme sacrilège dans sa famille depuis que son arrière-grand-père a abandonné du jour au lendemain sa famille dont sa fille Coco, toujours vivante mais très âgée. Le soir de la Fête des Morts, Miguel tente de braver l'interdit et il se retrouve plongé dans le Pays des Morts. Il n'aura que peu de temps pour s'en échapper… Au Mexique, morts et vivants se côtoient le temps d'une journée une fois par an. Les disparus, attirés par leurs proches qui pensent encore à eux, se promènent, invisibles aux yeux des vivants mais présents à leurs côtés. L'histoire et le contexte sont proches de «La Légende de Manolo», un autre film d'animation, mais le traitement est plus convaincant. Le cadre est plus exotique que les traditionnels dessins animés Pixar, dans un geste d'ouverture à d'autres cultures. Le récit, étonnamment sombre, avec des retournements inattendus, pourra paraître angoissant pour les plus jeunes mais les réflexions sur l'acceptation du deuil le rendent porteurs d'espoir.

 

 

 

Les Gardiennes
Les hommes au front, les femmes aux champs

1915. Pendant que les hommes sont au front, les femmes travaillent dur dans les fermes. Épuisée malgré l'aide de sa fille Solange, Hortense engage Francine, une jeune orpheline. Elle se démène sans compter et devient un membre à part entière de sa famille d'adoption. Cette adaptation poignante d'un roman d'Ernest Pérochon publié en 1924 aborde autant la place des femmes dans la société pendant et en dehors des conflits que les meurtrissures indélébiles de ceux qui reviennent des champs de bataille. Xavier Beauvois filme superbement les regards des paysannes, inquiètes ou concentrées sur l'exercice d'un métier physique réservé aux hommes, exposant sans discours l'injustice de leur situation. Nathalie Baye en matriarche partage l'affiche pour la première fois avec sa fille Laura Smet. Intenses, elles s'effacent presque au profit de la découverte Iris Bry. Le lyrisme documentaire de la première partie est contrarié par l'excès de rebondissements dramatiques du deuxième acte, mais il s'agit néanmoins d'un des plus beaux films de l'auteur de «Des hommes et des dieux». Michel Legrand signe une partition élégante pour illustrer le sort de ces personnages taiseux.

 

 

 

Paddington 2
Un nounours pas nunuche

 

Paddington habite avec les Brown, sa famille adoptive, dans un quartier tranquille de Londres. En quête du cadeau parfait pour le centième anniversaire de sa tante Lucy, il trouve un livre très rare chez un antiquaire. Le tragédien prétentieux Phoenix Buchanan s'en empare et Paddington, accusé du vol, se retrouve en prison. Après un premier volet déjà réussi, cette suite est encore plus réjouissante. Le réalisateur et scénariste Paul King donne à cet ours potentiellement désuet une modernité bienvenue, tout en préservant son intemporalité. L'esprit est bon enfant et l'univers visuel évoque la magie des films de Wes Anderson. Doublé en français par Guillaume Gallienne, le nounours adorable accro à la marmelade à l'orange est doué pour partager sa vision optimiste du monde. Bricoleur inventif mais terriblement maladroit, il accumule les catastrophes, sources de gags savoureux. Le registre est burlesque, avec des personnages qui ont quasiment tous un bon fond. Hugh Grant adopte avec gourmandise la panoplie du méchant de cartoon aux motivations ridicules : monter un spectacle en solitaire pour renouer avec sa gloire. Un divertissement léger et délicieux qui satisfera petits et grands.

 

 

 

Santa & Cie
Le Père Noël est un coeur pur

Dure journée pour le Père Noël. Les 92 000 lutins en charge des commandes de nos têtes blondes tombent tous malades en même temps. Pour régler l'épidémie à temps, Santa doit se rendre sur Terre pour trouver un précieux remède : de la Vitamine C. Alain Chabat se retrouve une nouvelle fois devant et derrière la caméra pour cette aventure grand public où il partage l'affiche avec Pio Marmai et Golshifteh Farahani en alliés humains bienveillants et Audrey Tautou en amusante maman Noël. Alain Chabat s'amuse, et nous avec, en généreux donateur à la barbe blanche, notamment lorsqu'il rencontre ses «collègues» blasés dans la rue ou des policiers bornés (David Marsais et Grégoire Ludig du Palma Show, parfaits Dupont et Dupond modernes) à qui il peine à faire admettre sa véritable identité. Le divertissement est efficace mais malgré une mise en scène soignée, des dialogues parfois hilarants et quelques situations suffisamment décalées pour nous faire suffisamment sourire, il manque ce grain de folie qu'on attend de l'imagination féconde et de l'esprit décalé de Chabat. À défaut de rendre nos zygomatiques douloureux, il parvient à nous offrir un gentil conte de Noël.

 

 

 

Pascal LE DUFF