CINEMA

CINEMA

Publié le 05/02/2018 dans ACTUALITES

 

Le Retour du Héros
Un héros presque parfait

 

Bourgogne 1809, Neuville, capitaine de l'armée napoléonienne, demande son éternelle fiancée en mariage juste avant d'être envoyé sur le front contre l'Autriche. Il lui promet de lui écrire tous les jours mais ne donne plus de nouvelles. Pauline déprime. Pour la réconforter, sa sœur Elisabeth le fait passer pour un héros dans une correspondance sortie de son imagination. Trois ans plus tard, il est de retour. Le capitaine pas si courageux profite de la situation. Après "Un homme à la hauteur", Laurent Tirard retrouve Jean Dujardin et lui offre un rôle d'opportuniste lâche à la veulerie attachante, grâce à son naturel désarmant à la Belmondo pour faire passer ses travers, certains du moins, sans le faire sombrer dans la caricature. La prestation de grande jalouse de mauvaise foi de Mélanie Laurent est étonnante. Pour son premier essai dans la comédie, elle s'impose avec une étonnante évidence. Louis de Funès n'est pas loin dans ses contorsions verbales et physiques, au moins dans une scène d'explosion de rage hilarante. Lorsque le rire menace de virer à la tragédie, une pirouette désamorce la situation, les parts d'ombre des uns et des autres ajoutant une profondeur bienvenue.

 

 

 

Jusqu’à la garde
Une femme sous pression

 

Miriam veut obtenir la garde exclusive de son fils de onze ans. Malgré un courrier alarmant de l'enfant qui corrobore les accusations de violences portées contre son ex mari Antoine, la juge des divorces lui accorde un droit de visite. Il utilise son fils comme un pion pour atteindre son ancienne compagne. Le réalisateur Xavier Legrand prolonge le sujet de son court-métrage «Avant que de tout perdre» nommé aux Oscars et récompensé par les César. Il fait preuve d'une précision dans le propos et d'une grande virtuosité dans la mise en scène, impliquant viscéralement le spectateur, témoin de ce duel implacable. Léa Drucker, constamment fébrile, véhicule une angoisse palpable à tous les instants. Ses mouvements de recul lorsque «l'autre» apparaît, sa façon de se tenir lorsqu'il est à proximité d'elle et ses prises de paroles réduites à l'essentiel pour éviter d'envenimer la situation suffisent à faire comprendre sa terreur indicible, symbolique d'un mal universel. Avec son corps massif et ses regards tantôt fuyants tantôt appuyés, Denis Ménochet suscite constamment l'inquiétude. La tension est constante jusqu'aux dernières images qui balaieront les ultimes doutes, s'il en restait. 

 

 

 

Le Labyrinthe : le remède mortel
La dernière bataille

Thomas et ses amis vont s'aventurer dans un nouveau labyrinthe pour sauver leur ami Minho, retenu prisonnier par l'organisation Wicked dans La Dernière Ville. Dans les coulisses de cette enceinte fortifiée se joue une course au remède pour trouver un antidote au virus qui transforme les êtres humains non immunisés en «fondu». Thomas en est l'ingrédient principal… Après un deuxième volet décevant, le réalisateur Wes Ball achève sa trilogie avec un opus plus surprenant et riche en suspens, marqué par un retour inattendu et quelques évolutions dramatiques audacieuses. Le scénario est plus cohérent et les séquences d'action plus spectaculaires, à commencer par l'attaque de train sortie d'un western en ouverture. La réussite est hélas amoindrie par un abus de clichés de films d'aventures dans l'attitude des «méchants» notamment et un humour qui atténue la portée tragique. Dylan O'Brien, Kaya Scodelario et Thomas Brodie-Sangster accompagnent leurs personnages jusqu'au bout de leurs destinées avec une émotion non feinte. Cette série d'anticipation destinée au public adolescent aura été, malgré ses nombreux défauts, supérieure à «Hunger Games» et autres «Twilight».

 

 

 

Pentagon Papers
Une vérité qui dérange

 

1971. Le New York Times publie une série d'articles sur les mensonges, notamment sur le Vietnam, des gouvernements américains, passés comme actuel. L'administration Nixon tente de les faire interdire au nom du secret d'état. Ben Bradlee, rédacteur en chef du Washington Post et défenseur farouche de la liberté d'expression, veut lui aussi dévoiler ce scandale. Katharine Graham, propriétaire du journal, risque de tout perdre si elle le soutient. Poussé par l'urgence de l'actualité, Steven Spielberg s'est lancé dans ce pamphlet qui dénonce en creux les errements du président actuel à travers les actions illégales et immorales d'un prédécesseur honni. Le scénario pédagogique et haletant souligne le courage d'une femme en lutte permanente avec une société patriarcale. Steven Spielberg enserre Meryl Streep, toujours aussi fascinante, au milieu de quarterons paternalistes. Il prouve par l'image autant que par le texte qu'il reste difficile, encore aujourd'hui, pour toute femme d'imposer ses opinions, même face à des proches qui peuvent se montrer condescendants. Tom Hanks est aussi déterminé que l'homme obstiné qu'il incarne avec une passion non feinte dans cette ode au quatrième pouvoir.

 

 

 

La Douleur
La mémoire, un devoir

 

Juin 1944. Marguerite Duras attend fébrilement des nouvelles de son mari, déporté pour s'être opposé à l'ennemi. Alors qu'elle a une liaison avec un autre résistant, elle se rapproche de Rabier, agent de la Gestapo grâce auquel elle espère pouvoir faire libérer l'homme qu'elle n'aime déjà plus comme avant. Marguerite Duras a publié son livre en 1985, d'après ses notes écrites à l'époque. Le texte interrogeait la complexité de la mémoire et son combat pour se réapproprier son ressenti lointain. La perte de repères liée à la douleur de l'attente se retrouve dans la voix-off qui restitue la beauté d'un texte chaviré par des réminiscences approximatives. Le trouble intérieur est magistralement capturé par la mise en scène quasi expérimentale d'Emmanuel Finkiel et l'interprétation précise de Mélanie Thierry dans sa voix et ses mouvements fébriles. Humaine, Duras est ambiguë dans ses actions mais honnête avec elle-même face à des circonstances exceptionnelles. Le superbe de cette adaptation réside dans un portrait non exemplaire d'une femme loyale, témoin et actrice d'une époque historique, qui ne cherche pas à l'être. Une grande œuvre littéraire sublimée en une très grande œuvre de cinéma.

 

 

 

Wonder wheel
La roue de l'infortune

 

Parc d'attractions de Coney Island, à New-York, dans les années 50. Ginny, serveuse, est mariée à Humpty, opérateur de manège. Elle entame une liaison avec Mickey, un maître-nageur plus jeune qu'elle. Carolina, la fille de Humpty qu'il avait reniée lorsqu'elle avait fui avec un gangster, revient dans sa vie. Recherchée par les hommes de main de son mari, elle tombe elle aussi sous le charme de Mickey. Il y a quelque chose de Tennessee Williams dans ce quatuor tragique dépeint par Woody Allen. Cette quadragénaire aux rêves de gloire brimés glisse imperceptiblement vers le mal lorsque sa belle-fille devient une rivale. Woody Allen ne nous surprend pas vraiment avec son scénario à l'issue prévisible mais il dépeint avec une relative acuité les tourments intérieurs qui vont mener au drame. Kate Winslet est intense en femme amère, séduite par Justin Timberlake en apprenti écrivain qui a plus de chance de faire tourner les coeurs que d'écrire un jour une grande œuvre. Une tragédie sombre, mise en scène comme une pièce de théâtre, où des âmes en peine errent dans une prison à ciel ouvert. Le cadre faussement idyllique est sublimement éclairé par Vittorio Storaro («Apocalypse Now»).

 

Les tuche 3
Jeff Tuche président !

 

Jeff Tuche, désormais maire de son village, est déçu lorsque le TGV venant de Paris se contente de passer par Bouzolles sans s'y arrêter. Comme il ne parvient pas à joindre le président de la République pour obtenir des explications, il se présente aux élections présidentielles, dans le seul but de faire entendre ses doléances. Une série d'incidents rocambolesques le propulse au second tour : il est élu avec 57 % des voix ! Après Monaco et l'Amérique, direction l'Élysée pour les Tuche ! Olivier Baroux retrouve sa famille de pieds nickelés au complet. Jean-Paul Rouve et Isabelle Nanty maîtrisent leurs personnages sur le bout des doigts, lui avec sa moustache et ses entêtements absurdes, elle avec son obsession pour les frites. Claire Nadeau reste inaudible en mammy grunge et leurs enfants sont égaux à eux-mêmes. Pas de demi-mesure au sein de cette équipe, l'humour est foncièrement outrancier et atteint parfois sa cible. Ce troisième volet, plutôt divertissant, est le plus convaincant de la série mais souffre d'un manque d'ambitions. En s'inspirant de la comédie italienne des années 70, la satire sociale et politique aurait pu s'honorer d'un peu plus de mordant et de folie.

 

 

 

Pascal LE DUFF