CINEMA

CINEMA

Publié le 07/06/2018 dans ACTUALITES

 

Une année polaire
Un danois au Groenland

Pour son premier poste d’instituteur, Anders choisit l’aventure et les grands espaces: il part enseigner au Groenland, à Tiniteqilaaq, un hameau inuit de 80 habitants. Dans ce village isolé du reste du monde, la vie est rude, plus rude que ce qu’Anders imaginait. Pour s’intégrer, loin de ses repères familiers au Danemark, il va devoir apprendre à connaître cette communauté. Après le futur fermier de «L'Apprenti» et le marin pêcheur de «Tempête», Samuel Collardey mêle à nouveau le documentaire et la fiction en faisant rejouer des éléments de sa propre vie à un jeune danois qui pense donner un sens à sa vie en s'éloignant de sa terre natale. Découragé par ses employeurs de comprendre la langue de ses hôtes, ce n'est qu'en s'ouvrant à eux et à leurs us et coutumes qu'il va les comprendre et être, au moins un peu, un des leurs. Une leçon de vie humaniste mais jamais péremptoire sur l'ouverture aux autres d'un grand solitaire essayant de sortir de son isolement. Le réalisateur témoigne de traditions anciennes d'un endroit méconnu des européens où vivre de la chasse reste la première perspective d'avenir avec néanmoins une acceptation de la modernité.

 

 

 

Trois visages
Un road-movie iranien

 

Une actrice iranienne reçoit la vidéo d’une jeune fille qui annonce son suicide, sa famille s'opposant à son rêve de devenir comédienne. Inquiète, Behnaz Jafari demande au réalisateur Jafar Panahi de s'assurer qu'il ne s'agit pas d'une manipulation. Ils se rendent dans le village d'où elle a envoyé ce message. Prix du scénario lors du Festival de Cannes, Jafar Panahi, toujours assigné à résidence dans son pays, n'a pas pu recevoir directement son diplôme. Il a tourné dans sa région natale en clandestinité ce docu-fiction où il ne cesse d'interroger la réalité de ce qui nous est montré. Malgré un humour pince sans-rires, le coeur du récit est bien sombre. À travers le vécu contrasté d'actrices de trois générations différentes, d'hier avec une vedette d'avant la Révolution de 1979 recluse depuis ses triomphes lointains, d'aujourd'hui avec une star acclamée dans les endroits les plus éloignés de la capitale et celle de demain, empêchée d'exister y compris par ceux qui admirent la deuxième, il dessine un condensé de l'histoire contemporaine de l'Iran sur le sort accordé aux femmes et aux artistes. Ce que lui ne cesse d'être malgré les entraves pour exercer son métier, sa passion.

 


The Cakemaker
Un boulanger en deuil

 

Depuis quelques mois Thomas, un pâtissier allemand, vit une liaison passionnée avec Oren, un homme marié israélien souvent de passage à Berlin pour ses affaires. Quand il meurt dans un accident de voiture, Thomas est désorienté. Il se rend à Jérusalem et rencontre Anat, sa veuve. Il fréquente son petit café avant de commencer à y travailler pour fabriquer de bons petits gâteaux. Ofir Raul Graizer signe un drame fin sur un double deuil qui unit deux personnes réunies par leurs sentiments pour le même homme trop tôt disparu. Leurs motivations sont universelles, même si leurs actions apparaissent parfois difficilement crédibles. Beaucoup de sensibilité néanmoins et de pudeur entre ces deux êtres solitaires, joués en délicatesse par Tim Kalkhof et Sarah Adler. En parallèle de son acceptation de l'absence, Anat doit subir non seulement les rappels à l'ordre de sa famille orthodoxe très à cheval sur les traditions et les règles religieuses, mais aussi les sollicitations non désirées d'hommes trop sensibles à son statut de célibataire malgré elle. Le regard sur une société écrasée par les conventions est cinglant, mais avec une discrétion qui permet d'éviter les lieux communs.

 

 

 

Volontaire
Elle est dans l'armée, maintenant

 

Après de longues études, Laure, 23 ans, rejoint le corps des fusiliers marins à Brest, malgré les réserves de sa famille. Elle est assignée au secrétariat du strict Commandant Rivière. Petit à petit, un trouble naît entre eux, entre admiration mutuelle pour leur engagement militaire et attirance inavouable. Vedette de la série «Mafiosa», Hélène Fillières signe son deuxième film comme réalisatrice avec une histoire d'amour en retenue, ancrée dans un univers ultra codifié. Dans cette plongée au coeur de l'armée se joue une romance impossible dont l'apparente froideur rappelle celle des «Vestiges du jour». Diane Rouxel («La Tête haute») affiche une fragilité physique contrebalancée par la force croissante de sa vocation quasi accidentelle. D'abord destinée à une carrière discrète dans les bureaux, elle se laisse tenter par une expérience plus physique au sein des paras sous le regard d'un officier fort, déstabilisé par ses sentiments, pour la première fois de sa vie probablement. Le charisme de Lambert Wilson permet de transmettre cette attirance feutrée avec une pudeur et une rigidité qui en disent long sur les failles d'un milieu pourtant filmé avec un respect sans faille.

 

 

 

Hérédité
La mort à la maison

 

Les Graham sont endeuillés par la disparition de la grand-mère. Sa fille craint de reproduire son influence néfaste sur ses propres enfants. Hélas, un nouveau drame frappe la maisonnée… Pour son premier long-métrage, Ari Aster fait le portrait terrifiant d'une famille gravement dysfonctionnelle. La fille cadette fabrique des poupées avec des oiseaux morts, le fils aîné s'abrutit au cannabis, le père se gave de pilules pour oublier et la mère fait des crises de somnambulisme aux conséquences potentiellement graves. La douleur inextinguible de leur quotidien anxiogène est soulignée par la trame sonore de Colin Stetson qui accentue le malaise persistant à renforts de sons grinçants. Cette tragédie à la grecque est constamment sur le qui-vive, le pire succédant au pire, sans éclaircie en vue. Ce film d'épouvante sans concession va très loin, avec des images terrifiantes voire crues qui le rendent difficilement accessible à tous les publics. Les amateurs d'oeuvres dérangeantes devraient être séduits, les autres risquent de souffrir. Toni Collette en mère aux épaules lourdes exerce une présence phénoménale, soutenue par ses excellents partenaires Gabriel Byrne, Alex Wolff et Milly Shapiro.

 

 

 

3 jours à Quiberon
Romy Schneider en cure

 

Avril 1981. Romy Schneider est en cure pour lutter contre sa dépendance à l’alcool et aux calmants alors qu'elle prépare La Passante du Sans-souci qui restera son dernier film. Le photographe Robert Lebeck lui convainc d'accepter une interview avec Michael Jürgs, du magazine Stern, qui s'étale sur trois jours. La réalisatrice allemande Emily Atef réussit le grand tour de force - que l’on aurait cru impossible - de redonner vie à un mythe du cinéma, Romy Schneider. Adoptée par la France en grande partie grâce à Alain Delon, son partenaire dans La Piscine et compagnon, puis grâce à Claude Sautet qui lui a donné ses plus beaux rôles, elle n’a pas vraiment été autorisée à se défaire de son éternelle image de jeune fille trop pure de Sissi dans son pays natal. Grâce à l’actrice Marie Bäumer, double parfait car toujours humaine, soutenue par un noir et blanc délicat qui permet de faciliter l’identification, elle existe à nouveau sous nos yeux. Le scénario permet à ses trois partenaires qui jouent l’amie d’enfance, le photographe et le journaliste aux questions tendancieuses d’exister et de donner plus de crédibilité et de profondeur à ce très beau portrait, tendre et émouvant.

 

 

 

Pascal LE DUFF

 

 

 

 

 

 

 

 

 

.