CINEMA

CINEMA

Publié le 10/07/2018 dans ACTUALITES

Sans un bruit
S’ils vous entendent, il est déjà trop tard

Depuis l'arrivée de créatures extraterrestres qui ont fait de la Terre un immense garde-manger, la famille Abbott a appris à vivre dans le silence le plus total, le moindre son attirant ces prédateurs aveugles. Repliés dans leur ferme, ils ne font que de rares sorties pour trouver de quoi se nourrir. L'acteur John Krasinski passe derrière la caméra avec ce thriller horrifique dont il partage l'affiche avec son épouse dans la vie, Emily Blunt. Il sait créer un climat oppressant, soulignant comment le moindre relâchement peut avoir de terribles conséquences. On tremble avec ses parents et leurs enfants, l'attente d'un accouchement ou un clou créant un suspense fort. Cet exercice de style sensoriel ne fait pas assez confiance au pouvoir d'évocation du silence pour augmenter ses effets de terreur, la musique envahissante prenant le pas sur une mise en scène peu rigoureuse. L'idée de départ, réellement originale, possède un potentiel qui n'est pas suffisamment bien exploité malgré de réels frissons qui hérisseront quelques poils. Passée la séquence d'ouverture, d'une tension extrême, la suite est plus prévisible avec des invraisemblances grossières.

 

Parvana

Une enfance en Afghanistan

Parvana, onze ans, grandit à Kaboul, en Afghanistan. Lorsque son père, écrivain public, est arrêté, sa famille se retrouve en danger car il est interdit aux femmes, sous le régime des Talibans, de travailler ou simplement d'acheter de la nourriture si elles ne sont pas accompagnées d'un homme. Pour trouver de quoi subsister mais aussi tenter de faire sortir son père de prison où il risque la mort, Parvana va se déguiser en garçon. Nora Twomey, coréalisatrice de «Brendan et le secret de Kells», s'empare du thème du travestissement pour dénoncer l'archaïsme d'une société plombée par ses pressions et menaces constantes sur les femmes. Obligée de grandir trop vite, la fillette fait preuve d'un grand courage dans un pays où les libertés fondamentales sont niées. Les croyants extrémistes sont représentés comme des êtres hypocrites motivés par leurs regards inquisiteurs et torves. Cette fable animée, certes trop gentille dans certaines de ses résolutions, mérite les Prix du Jury officiel et du Public reçus lors du Festival d'animation d'Annecy. Les spectateurs seront certainement émus par cette charge contre un patriarcat qu'on espère voir relégué dans un lointain passé

 

Au Poste !

Une garde à vue pas comme les autres

Tête à tête tendu dans un poste de police entre le commissaire Buron et un certain Fugain qui a découvert un corps au pied de son immeuble avant de le signaler. Mais cache-t-il quelque chose ? A t-il comis le crime parfait ? Mystère et boules de gomme… L'iconoclaste Quentin Dupieux («Rubber» et son pneu tueur ou le non moins étrange «Réalité») revient en France avec ce lointain, très lointain, cousin de «Garde à vue». Riche en personnages inattendus (avec deux yeux ou moins) et situations absurdes (avec ou sans équerre), cette comédie pince sans rires repose sur un univers visuel soigné (la froideur d'un commissariat stylisé) et une symbiose totale entre deux comédiens au diapason sur leur registre de jeu. Benoît Poelvoorde et Grégoire Ludig (le Palmashow) à la moustache éclatante se livrent à un affrontement feutré, un ping-pong plaisant à observer et assez immersif. Une agréable dynamique molle laisse toute sa place à un rythme particulier qui permet à cet objet cinématographique non identifié de détonner au sein de la comédie française. Le cadre étrange crée un trouble constant entre rêve et réalité, entre réalisme et poésie humoristique, jusqu'à l'étonnante conclusion.

 

Les Indestructibles 2

Le retour d'une famille super formidable

Considéré comme responsables des nombreux dégâts occasionnés par leurs combats contre leurs adversaires, les super-héros sont désormais considérés comme illégaux. La famille de Bob Parr n'a donc plus le droit de se servir de ses pouvoirs en public. Winstor Deavor, mécène enthousiaste, leur propose d'agir en secret afin de préparer l'opinion publique à leur retour. Une série d'actions de sabotages menés par l'Hypnotiseur va leur permettre de se faire remarquer, alors que bébé Jack-Jack découvre ses multiples pouvoirs… Cette suite inattendue, toujours menée par Brad Bird, débarque presque quinze ans après le premier volet sorti en 2004. Le père de famille, habitué à être au-devant de la scène, doit laisser la place à son épouse, considérée comme plus prudente et moins violente. L'humour des situations et des dialogues, la qualité de la direction artistique (autant les décors inventifs que l'animation elle-même) et les combats spectaculaires assurent le spectacle, avec une discrète dénonciation sur l'importance accordé aux apparences au détriment de la vérité et une part toujours importante accordée à la dynamique familiale. Un retour très réussi.

 

Paranoïa

Tout est dans sa tête, n'est-ce pas ?

Sawyer Valentini est persuadée d'être traquée par un inconnu. Aucun fait ne vient étayer ses soupçons et elle commence à sombrer dans une paranoïa de tous les instants. Enfermée bien malgré elle dans une institution psychiatrique, elle ne parvient à convaincre personne qu'elle est en danger. Elle-même commence à douter de son état psychique. Steven Soderbergh transcende des prémices dignes d'un thriller de série B par une mise en scène joliment inspirée qui ne laisse jamais entrevoir que le tournage s'est intégralement déroulé au téléphone portable. Il enserre la troublante Claire Foy dans un cadre fermé, soit au sein de sa propre imagination soit sous le regard de celui qui lui voudrait du mal. «Get out» avait su dépasser les limites du film d'horreur pour devenir une dénonciation forte de la peur de l'homme noir dans la société américaine. Ce coup de maître stylistique montre combien il est difficile pour une femme (peut-être) victime de harcèlement de se remettre des conséquences d'une telle charge. Le dernier plan devrait glacer plus d'une spectatrice et faire réfléchir quelques hommes trop entreprenants ou tous ceux qui minimisent de tels actes dans la vie réelle

 

Ant-Man et la Guêpe

Vers l'infiniment petit et au-delà

Scott Lang alias Ant-Man s'est fâché avec son mentor Dr Hank Pym et sa fille Hope van Dyne, fugitifs à cause de lui. Confiné aux limites de sa maison par la justice, il est contacté par ses anciens amis car il semble être le seul espoir de retrouver vivante la mère de Hope qu'ils croyaient morte dans un univers parallèle. Situé entre «Civil War» et avant «Infinity War», ces nouvelles aventures de l'homme-fourmi possèdent la même légèreté que les premières. Peyton Reed raconte avec un ton bien à lui des relations amoureuses adultes complexes, comme dans les comédies romantiques «La Rupture» et «Yes Man». L'alchimie entre Paul Rudd et Evangeline Lilly ajoute du peps et une touche de modernité à leurs liens. Michael Douglas et Michelle Pfeiffer forment un autre joli couple, uni malgré une longue séparation. Film de super-héros oblige, l'accent est porté sur des scènes superbement chorégraphiées dont une poursuite en voiture avec de multiples variations de taille en un clin d'oeil. L'attachement pour les personnages rattrape l'intrigue classique qui a le mérite d'être bienveillante sur le «grand méchant» et de porter un joli regard sur les liens entre pères et filles.

 

 

 

Pascal LE DUFF