CINEMA

CINEMA

Publié le 10/10/2018 dans ACTUALITES

 

Dilili à Paris

 

Une kanak à la Belle époque

 

Paris, début du 20ème siècle. Dilili, kanake dégourdie, s'inquiète des disparitions de fillettes de son âge. Aidée d'Orel, jeune triporteur courageux, elle découvre les sombres agissements d'une société secrète, les Mâles-Maîtres. Michel Ocelot nous plonge dans la Belle époque à travers les aventures d'une enfant métissée farouchement indépendante, qui se rebelle contre son statut de bête curieuse. Son enquête lui permet de rencontrer l'intelligentsia des années 1910, de Pasteur à Colette, en passant par Marie Curie ou Marcel Proust. Ces apparitions à vocation éducative, maladroites, encombrent le récit. Le discours politique (oppression des femmes, croyances d'un autre âge, préjugés raciaux) manque de subtilité dans son traitement malgré des éléments épars d'une réelle force. Reste la trame policière riche en mystères dignes des grands feuilletons de l'époque («Les Mystères de Paris») et une belle promenade dans le Paris d'hier. Le mariage entre les photos d'aujourd'hui retravaillées pour en faire oublier la modernité et les dessins aux traits agréables est plaisant, même si on a connu le grand cinéaste plus imaginatif esthétiquement et moins sucré dans le fond.

 

 

 

Amin

 

Un Sénégalais à Paris

 

Amin a quitté le Sénégal, sa femme et leurs trois enfants pour gagner sa vie en France. Depuis neuf ans, son quotidien se résume à son travail et au foyer où il vit avec d'autres immigrés. Il entame une liaison fusionnelle avec Gabrielle, infirmière divorcée chez qui il a effectué de menus travaux. Philippe Faucon ("Fatima") porte un regard toujours aussi aiguisé sur des déracinés qui tentent de survivre ou de s'intégrer malgré les obstacles. Moustapha Mbengue et Emmanuelle Devos forment un joli couple réuni par le hasard et filmé avec une douce sensualité. Amin est le protagoniste central mais le récit choral laisse exister d'autres personnages tout aussi finement esquissés malgré la brève durée de 1h15. On apprend à connaître les tourments de sa maîtresse harcelée par son ex mari, de son épouse qui vit mal sa solitude au pays et de ses compagnons d'infortune, sans avoir l'impression d'assister à une série de vignettes de petits malheurs trop savamment organisés. Le réalisateur observe ses personnages avec une compassion de tous les instants. Une œuvre forte et pudique, découverte à la Quinzaine des Réalisateurs lors de la dernière édition du Festival de Cannes.

 

 

 

Nos batailles 
Romain Duris presque seul au monde

 

Contremaître en usine, Olivier se démène pour ses collègues menacés par la direction. À l'écoute de leurs soucis, il ignore ceux de sa femme qui souffre en silence jusqu'au jour où elle s'en va sans prévenir. Romain Duris est sensible en type qui essaie d'être un type bien, mais se montre sourd au désarroi de ses proches. Sa trajectoire le pousse à devenir un meilleur homme et le père, le frère et le fils qu'il n'était pas encore. Il est entouré de personnages féminins heurtés, interprétés par des actrices qui leur apportent de fines nuances. La décidément indispensable Laure Calamy est l'amie loyale qui a le béguin pour lui ; Laetitia Dosch la sœur fofolle dont le sacré tempérament ne cache pas une grande sensibilité qui lui permet de trouver les mots justes pour le pousser à s'interroger ; Lucie Debay celle dont l'absence se fera prégnante et Dominique Valadié la mère compréhensive qui a elle aussi un solide vécu. Toutes permettent de comprendre les défauts d'Olivier, mais sans le charger exagérément. Une œuvre bouleversante par les émotions qu'elle véhicule et portée par des dialogues très drôles ou émouvants dans les moments où ces écorchés parviennent à communiquer.

 

 

 

Voyez comme on danse

 

Une ronde de désamour

Julien se sent constamment épié. Alex, son fils et Eva vont avoir un enfant. Véro, la mère d’Eva, galère humainement et financièrement. Lucie s'inquiète de la parano de son compagnon Julien dont la maîtresse, Serena, a aussi un gros secret. Bertrand, le mari d'Elizabeth, se retrouve en prison… Et tout ce petit monde se connaît, plus ou moins directement.. Seize ans après «Embrassez qui vous voudrez», Michel Blanc réunit une partie de sa troupe pour une suite inattendue et livre une farce délicieusement acidulée. Il ne cherche pas à rendre ses personnages sympathiques, ce qui les rend d'autant plus humains malgré leurs très très gros défauts. Michel Blanc aime pourtant ses personnages, les pires d'entre eux pouvant dévoiler de bons côtés, ou être regardés avec affection. On retrouve avec plaisir Karin Viard, Carole Bouquet, Charlotte Rampling (génialement snob), Jacques Dutronc (Bertrand) et Michel Blanc lui-même (Jean-Pierre, l'ex de Lucie) et on découvre avec non moins de bienveillance Jean-Paul Rouve (Julien) ou William Lebghil (Alex), tous à l'unisson de cette comédie aux faux airs de vaudeville outrancier mais qui restera comme une des meilleures comédies de l'année.

 

 

 

La Prophétie de l'horloge

 

Une maison magique

 

Après la disparition de ses parents, Lewis, 10 ans, part vivre chez son oncle Jonathan Barnavelt dans une vieille demeure dont les murs résonnent d’un mystérieux tic-tac. Malgré les injonctions de son hôte qui se révélera être un puissant magicien, Lewis va redonner involontairement vie à un dangereux sorcier. Réalisateur de films très violents («Hostel», «Death Wish»), Eli Roth dirige un projet plus accessible, étonnamment adressé au jeune public. Ce récit initiatique n'est pas d'une folle originalité mais il est relevé par des séquences à la limite du cinéma d'horreur. L'atmosphère peut se révéler un peu trop effrayante pour les tout-petits, mais leurs aînés se régaleront de ces aventures passées en compagnie du débonnaire Jack Black et d'indomptable Cate Blanchett en voisine avec laquelle il ne cesse de se chamailler. Leur complicité est le principal atout de ce divertissement inspiré par une série de romans écrits par John Bellairs. La bâtisse gothique est un personnage à part entière, ainsi que les objets qui l'occupent dont un fauteuil aussi affectueux qu'un chien domestique. Une maison hantée ingénieuse qui vaut largement la visite, même sans Stéphane Plaza.

 

 

 

I Feel Good

 

Riche à tout prix

Jacques débarque dans la communauté Emmaüs dirigée par sa sœur Monique, près de Pau. Après des années sans donner de nouvelles, il refait surface, toujours obnubilé par une idée et une seule : devenir riche en travaillant le moins possible. Benoît Delépine et Gustave Kervern continuent à tracer leurs sillons de satiristes singuliers et délicats, avec une vivacité d'esprit assez réjouissante. Jean Dujardin se réinvente en pauvre type impatient d'atteindre une réussite matérielle. Son incapacité à appréhender le réel suscite des sourires mais inquiète également sur son état mental et émotionnel. Les situations sont souvent amusantes, mais cet être fragile, soutenu par l'amour de sa sœur, est en réalité totalement désespéré. Yolande Moreau apporte une forte tendresse à cette âme bienveillante qui contraste avec l'immaturité de son cadet. Cette histoire dramatique est traitée de façon poétique, par ses légers décalages surréalistes, avec des interrogations politiques sur une vision du monde clairement engagée. Malgré la dimension cocasse, les occupants d'Emmaüs, joués par des comédiens plus ou moins professionnels, sont filmés avec une bienveillance de tous les instants.

 

 

 

Pascal LE DUFF