CINEMA

CINEMA

Publié le 12/11/2018 dans ACTUALITES

 

Le Grand bain
Plonger pour mieux se relever

 

Au chômage depuis deux ans, Bertrand déprime. Il s'inscrit à un cours de natation synchronisée et rejoint d'autres quadras et quinquas en crise dont Marcus, vendeur de piscines au bord de la faillite (Benoît Poelvoorde), Simon, rocker qui n'a jamais connu le moindre succès (Jean-Hugues Anglade) et Laurent, contremaître dans le bâtiment (Guillaume Canet). Delphine, ex grande athlète, autant au bout du rouleau que sa troupe, les entraîne pour le championnat du monde en Norvège. Constamment surprenant avec son registre dépressif jamais exagéré, Mathieu Amalric est le pivot de ce récit choral mené brillamment par Gilles Lellouche. Qu'ils soient amers, drôles ou poétiques, tous font preuve d'une fragilité attachante. Les scènes dans les vestiaires sont comme des thérapies de groupe où chacun dévoile librement ses angoisses. Virginie Efira tente mollement de faire progresser ces amateurs mais se complaît dans sa culpabilité d'avoir délaissé son ancienne partenaire depuis qu'elle est en fauteuil roulant. Leïla Bekhti est hilarante dans ses excès d'autoritarisme ou lorsqu'elle craque comme les autres. Une des belles surprises du Festival de Cannes, avare en comédies populaires.

 

 

 

Chacun pour tous
Des médailles en chocolat

 

Martin est l'entraîneur de l’équipe française de basketteurs déficients mentaux. Soudain privé de plusieurs joueurs, il risque de manquer les prochains Jeux Paralympiques et par conséquent de perdre sa subvention. Pour s'en sortir, il recrute des joueurs valides, dont Stan, un acteur raté. Personne ne remarque la supercherie, même pas Julia, psychologue de la fédération et sœur d'un des deux seuls authentiques handicapés du groupe. Vianney Lebasque adapte librement une histoire vraie qui s'est déroulée en 2000 à Sidney, lorsque l’Espagne a aligné dix valides dans ses rangs. Ce fait divers est abordé sous l'angle du feel good movie, sans leçons de morale ni caricature. Les personnages restent attachants, quels que soient leurs défauts. Jean-Pierre Darroussin est l'entraîneur bourru qui s'englue dans ses mensonges, vivant dans l'illusion de nobles aspirations. Sa troupe de bras cassés inclut notamment Ahmed Sylla («L'Ascension») et deux authentiques handicapés, Clément Langlais et Vincent Chalambert, qui s'imposent aisément à ses côtés. Camélia Jordana les accompagne avec humilité, au service d'une histoire simple. Résultat payant : on est ému et on s'amuse…

 

 

 

En liberté
Une comédie policière virevoltante

 

Yvonne, inspectrice brillante, découvre que son mari, un policier tué dans l'exercice de ses fonctions, n'était pas le héros que tout le monde croyait mais un ripou. Dans ses efforts pour rétablir la vérité, elle rencontre Antoine, condamné à tort à cause de lui. Il sort de prison, déterminé à commettre le délit pour lequel il a purgé sa peine. Elle va tenter de le sauver malgré lui, tout en cachant sa réelle identité. C'est avec cette fantaisie policière folle que Pierre Salvadori a fait ses premiers pas au Festival de Cannes dans le cadre de la Quinzaine des Réalisateurs. Le lien entre Adèle Haenel et Pio Marmai déjoue finement les attentes du couple romantique. Vincent Elbaz est l'époux glorifié par sa veuve dans des fables romanesques (trop longues) pour rassurer leur fils endeuillé. La belle troupe d'acteurs inclut Damien Bonnard en collègue transi d'amour et Audrey Tautou délicieusement poétique dans une scène de retrouvailles avec son compagnon fraîchement libéré. Il y a, comme toujours chez ce grand cinéaste, beaucoup d'invention mais le scénario se perd dans le dédale de ses situations burlesques joliment farfelues et dans ses diverses tonalités qui se marient mal.

 

 

 

Un homme pressé de Hervé Mimran **
Avancer après un AVC

 

Alain, homme d’affaires respecté et travailleur compulsif, est un orateur brillant. Alors qu'il met la dernière touche à un concept de voiture révolutionnaire, il est victime d'un accident vasculaire cérébral. Désormais, il souffre de graves trous de mémoire et lutte pour trouver ses mots. Sa rééducation est prise en charge par Jeanne, orthophoniste abandonnée par sa mère à la naissance. Ensemble, ils vont apprendre à se reconstruire. Coréalisateur de «Tout ce qui brille» et de «Nous York» avec Géraldine Nakache, Hervé Mimran adapte en solo le livre de Christian Streiff, patron de Peugeot Citroën, terrassé par un AVC dans son bureau en 2008. Fabrice Luchini s'empare d'un rôle en or pour lui, celui d'un homme éloquent utilisant un mot pour un autre, tout en croyant être intelligible. Cet acteur amoureux de la langue française parvient à se faire comprendre alors qu'il prononce des phrases dénuées de sens. Sa partenaire Leïla Bekhti est attachante en praticienne au mal-être discret, gentiment renversée par la timide séduction d'un infirmier. Certains éléments narratifs manquent de profondeur mais cette comédie à tendance humaniste est franchement divertissante.

 

 

 

Les Chatouilles
La danseuse en colère

 

Odette rêve depuis qu'elle est petite d'être danseuse étoile. Désormais trentenaire, elle est loin d'avoir une vie épanouie. Elle se confie à une psy récalcitrante : lorsqu'elle était enfant, un ami de ses parents a abusé d'elle, les chatouilles désignant son approche pour la violenter… Andréa Bescond a raconté son calvaire dans un spectacle où elle était seule en scène, dirigée par Eric Métayer. Ensemble, ils en réalisent l'adaptation et elle joue son propre rôle, celui d'une femme ayant enfoui dans sa mémoire la pire des épreuves. Pour vivre pleinement, elle doit affronter les violences sexuelles dont elle fut la victime et s'ouvrir à ses proches, dont l'homme qu'elle vient de rencontrer. Andréa Bescond aborde un sujet grave avec une dose d'humour et une envie d'expériences formelles. Ce décalage fantaisiste est audacieux mais ces exercices de style se révèlent trop alambiqués. Le film touche lorsqu'il se fait intime, notamment lorsque l'agression est abordée frontalement ou dans la relation avec les parents : Karin Viard en mère inquiète de la réaction des gens et Clovis Cornillac, bouleversant en père rongé par la culpabilité de n'avoir pas avoir su protéger sa fille.

 

 

 

Les Animaux fantastiques :
Les crimes de Grindelwald
Paris est magique

 

1927. Quelques mois après sa capture, le maléfique Gellert Grindelwald s'évade du Ministère de la Magie. Il quitte les Etats-Unis pour Paris et réunit d'autres sorciers pour mener à bien son projet de placer les humains sous sa coupe. Sur sa route, son ex ami Albus Dumbledore et Norbert Dragonneau, humble protecteur d'animaux fantastiques menacés de tous. Cette suite du spin-off de Harry Potter, située des décennies avant sa naissance, est nettement plus sombre et aboutie que le premier opus grâce à la dimension politique imaginée par J.K. Rowling. Johnny Depp est terrifiant en gourou manipulant les masses pour mener sa quête de pouvoir. La métaphore avec le nazisme aurait pu être lourde mais est traitée avec une complexité qui pourra éclairer les plus jeunes. David Yates, réalisateur attitré de la franchise depuis «L'Ordre du phénix», impose une griffe esthétique grise adaptée au registre désespéré. Eddie Redmayne retrouve le costume élimé d'un héros timide mais brave, rejoint par un Dumbledore quadragénaire, joué avec élégance par Jude Law. Le suspense intense laisse espérer des rebondissements aussi forts dans le troisième épisode.

 

 

 

Pascal LE DUFF