CINEMA

CINEMA

Publié le 09/01/2019 dans ACTUALITES

 

Asako I&II
Deux hommes presque pareils

 

 

Asako est dévastée lorsque l'énigmatique Baku disparaît sans prévenir, mettant ainsi fin à leur relation fusionnelle. Elle quitte Osaka pour une nouvelle vie. Deux ans plus tard, elle travaille à Tokyo où elle rencontre Ryohei, sosie presque parfait de son ex. Il lui ressemble physiquement mais n'a pas la même personnalité. Tout va bien, mais soudain le passé se rappelle à elle… Ryusuke Hamaguchi, découvert grâce au marathon de cinq heures «Senses» sur quatre amies à un tournant de leur vie, revient avec une œuvre magique découverte en compétition à Cannes. Il interroge la naissance du sentiment amoureux et comment le passé peut heurter le bonheur, le vrai, lorsqu'il se présente. Masahiro Higashide crée deux personnages totalement opposés, l'un trouble et fondamentalement égocentrique, l'autre plus attentif. Impressionnante pour ses débuts, Erika Karata est toujours juste dans l'expression de ses désirs fluctuants. Transcendant sa fibre mélodramatique par de légers décalages quasi fantastiques, ce conte sentimental a la trempe de ces films dont on s'éprend malgré leurs fragilités. L'univers créé par ce jeune cinéaste ne cesse d'émouvoir sans céder à la facilité.

 

 

 

Premières vacances
La première grande épreuve du couple

 

 

Marion et Ben font connaissance grâce au site de rencontres Tinder. Coup de foudre immédiat mais les vacances arrivent. Ben se surprend à proposer à Marion de les passer ensemble alors qu'ils se connaissent à peine. Elle accepte. Direction la Bulgarie, à mi-chemin de Beyrouth et de Biarritz, leurs destinations initiales. Le séjour risque bien de condamner leur idylle naissante. Camille Chamoux, co-auteure du scénario avec son compagnon Patrick Cassir, est une dessinatrice de BD aventureuse, ouverte aux accidents de la vie alors que Jonathan Cohen est un commercial hypocondriaque, accro au confort. Face à ce choc de leurs modes de vie dans un pays dont ils ne connaissent rien, ils vont tenter de composer avec leurs tempéraments divergents. La première partie du voyage est agaçante avec ses clichés sur les locaux, la deuxième dans un hôtel de luxe mortifère est plus profonde sur l'absence de curiosité des touristes à l'étranger et dépeint un mépris de classe fort. Elle permet de confronter deux postures face au monde portée par deux personnages relativement antipathiques sur la durée. Pas de renversement dans l'art délicat de la comédie romantique mais une comédie grinçante qui atteint sa cible lorsqu'elle ne cherche pas à faire plaisir.

 

 

 

Un beau voyou
Le chat et la souris

 

 

L'attention du commissaire Beffrois, proche de la retraite, est attirée par un vol de tableau singulier. Il est persuadé qu'une seule et même personne est l'auteur de plusieurs autres effractions menées avec la même maestria. Aucun suspect, mais son intuition le rapproche involontairement de sa cible. C'est à une étonnante enquête que nous convie Lucas Bernard pour son premier long-métrage aux dialogues savoureux. L'histoire policière est constamment allégée par la tonalité comique, née en premier lieu de l'attitude débonnaire d'un policier pas comme les autres joué avec une étonnante bonhomie par Charles Berling. Le sourire qu'il ne quitte jamais allège l'amertume de cet homme proche de la quille, motivé par son affrontement tranquille qui devrait, il l'espère, lui permettre de quitter son métier la tête haute. Swann Arlaud est plus mystérieux en monte en l'air habile aux motivations troubles. Fragile psychologiquement, il pourrait devenir dangereux mais son adversaire allège l'affrontement et lui-même semble s'amuser de ce jeu. Ce glissement entre divers genres pourra décontenancer mais l'année 2019 du cinéma français s'ouvre sur un film qui sort clairement des sentiers battus.

 

 

 

Edmond
Cyrano in love

 

 

Décembre 1897. Edmond Rostand, criblé de dettes, rencontre le grand comédien Coquelin à qui il s'empresse de proposer une nouvelle pièce, oubliant de préciser qu'il ne l'a pas encore écrite. Il aura moins de trois semaines pour pondre ce qui deviendra le plus grand texte du théâtre français. Ce récit fantaisiste de la création de «Cyrano de Bergerac» fut un triomphe sur les planches en 2017 avec 5 Molière. Inspiré par «Shakespeare In Love» sur l'origine de «Roméo et Juliette», Alexis Michalik porte ce projet depuis plus de quinze ans. Il a fait d'importantes recherches historiques mais s'est autorisé beaucoup de libertés. Thomas Solivérès compose un jeune écrivain angoissé, arrogant presque, mais particulièrement doué pour son âge, avec une forme d'inconséquence qui permet d'accepter sa capacité à imaginer un drame en cinq actes et en vers comme s'il l'improvisait sous nos yeux. Olivier Gourmet joue quasiment un double rôle, celui de Cyrano sur scène et de l'acteur en dehors, Mathilde Seigner est une diva arrogante et Clémentine Célarié la tragédienne Sarah Bernhardt. Malgré un relatif savoir-faire, de l'humour et une énergie constante, le résultat reste plus proche du théâtre filmé que du cinéma.

 

 

 

Les Invisibles
Survivre dans la rue

 

 

L’Envol, centre d’accueil pour femmes SDF, va fermer ses portes. Les travailleuses sociales vont profiter des derniers mois d'ouverture pour tenter de réinsérer coûte que coûte leurs protégées, sans hésiter à truquer la réalité pour améliorer leurs chances. Le réalisateur de "Discount" s'est inspiré d'un documentaire et d'un livre de Claire Lajeunie pour sa nouvelle comédie dramatique. Il a passé un an comme bénévole pour trouver le ton le plus juste possible pour évoquer le combat des aidés pour s'en sortir ou les motivations des aidants, aguerris ou débutants, tenaces ou épuisés. Il en ressort un réalisme parfois dur, atténué par une drôlerie constante dans les échanges entre les actrices professionnelles (Audrey Lamy, Corinne Masiero, Noémie Lvovsky) et celles qui ont réellement été privées de domicile. La prise de paroles de certaines de ces comédiennes d'un jour s'avère assez déconcertante, dont celle qui ne cesse de rappeler son passé carcéral. Louis-Julien Petit n'évite pas un angélisme parfois crispant malgré la pertinence des diverses dénonciations dont la cruauté de la rue ou les décisions ubuesques d'une administration de plus en obnubilée par l'obligation de résultats.

 

 

 

L'Heure de la sortie
Des collégiens inquiétants

 

 

Pierre Hoffman intègre un prestigieux collège où il remplace le professeur de français d'une classe de troisième qui vient de se jeter par la fenêtre en plein cours. Il prend en charge un groupe d'enfants surdoués inquiétants. Révélé par le film noir «Irréprochable» avec Marina Foïs, Sébastien Marnier revient avec ce film à l'angoisse latente. Laurent Lafitte est un enseignant motivé par son métier mais déstabilisé par l'attitude provocatrice de ses élèves très intelligents mais pour le moins particuliers. Ils contiennent leurs émotions, comme détachés du monde extérieur, presque inhumains dans leurs actions et leurs paroles. Intrigué, le maître se prend à mener une enquête sur ses élèves trop parfaits mais capables de comportements bizarres. Le message écologique est un peu souligné, surtout dans sa conclusion pas si originale, mais l'intrigue possède une certaine audace dans son traitement minimaliste et mystérieux. La musique de Zombie Zombie souligne l'impression d'un glissement vers la paranoïa, tout en accentuant le potentiel de dangerosité d'adolescents presque bien sous tous rapports. Un film cauchemardesque et étonnant, même s'il n'est pas complètement abouti

 

 

 

Pascal LE DUFF