CINEMA

CINEMA

Publié le 06/02/2019 dans ACTUALITES

 

La Favorite
La confidente préférée

 

 

 

XVIIIème siècle en Angleterre. Lady Sarah est la première conseillère de la reine Anne, au point de donner l'impression d'être celle qui dirige réellement le pays. Elle prend sous son aile une nouvelle domestique, Abigail Hill qui, au lieu d'être l'alliée dont elle rêvait, devient sa rivale dans le coeur de Sa Majesté. Abigail entend bien retrouver le statut d'aristocrate ôté à sa famille. Tous les coups seront permis… Le premier film en costumes de Yórgos Lánthimos («The Lobster») vient d'obtenir dix citations aux oscars notamment en meilleur film et pour ses trois comédiennes. Olivia Colman incarne une reine dépassée par son statut et son attirance pour ses deux confidentes. Cette reine méconnue pourrait n'être que manipulatrice mais se révèle surtout capricieuse. Guère intéressée par les enjeux de la guerre avec la France, elle profite de sa santé fragile pour entretenir le conflit qui se noue entre ses deux favorites. Rachel Weisz et Emma Stone s'amusent à se disputer ses faveurs à renforts de pièges et complots. Certains de leurs mauvais coups fonctionnant, d'autres moins. Le machiavélisme est un art, comme le prouve le scénario intelligent et délicieusement pervers. 

 

 

 

Nicky Larson et le parfum de Cupidon
L'espion le plus dragueur du monde

 

 

 

Le talent de détective de Nicky Larson n'est plus à prouver. Enquêteur hors pair, il est surtout captivé par les jolies filles aux décolletés plongeants qui passent sous son nez. Il était donc l'homme idéal pour récupérer le parfum de Cupidon qui rend irrésistible celui qui l’utilise. Philippe Lacheau a suscité de nombreuses craintes chez les fans du dessin animé culte lorsqu'il a annoncé vouloir signer une version française de «Nicky Larson». Biberonnée au club Dorothée, l'équipe de «Babysitting» a troussé une comédie souvent drôle bien que régressive, voire vulgaire. Malgré quelques longueurs, l'intrigue est bien huilée, avec des références appuyées aux séries de cette génération. Les séquences d'action sont efficaces, avec des gags graphiques imaginatifs dont une bagarre en caméra subjective. Philippe Lacheau s'approprie les travers misogynes de son personnage montré comme tel sous le regard exaspéré de Laura, son assistante secrètement amoureuse. Le regard exaspéré et lassé d'Élodie Fontan sur l'attitude de son patron lubrique souligne bien ses travers. Dans un petit rôle savoureux Pamela Anderson s'amuse avec son image de sex symbol.

 

Les Estivants
Une autobiographie imaginaire

 

 

 

Dure journée pour Anna. Elle se fait larguer par son compagnon et peine à convaincre la commission du CNC d'apporter un indispensable soutien financier à son prochain film. Elle part en vacances sur la Côte d’Azur et retrouve dans une villa luxueuse son imposante famille dont sa mère, sa sœur et sa fille adoptive, mais aussi quelques amis et employés. Les langues vont se délier… L'actrice Valeria Bruni Tedeschi est aussi une réalisatrice dont la principale source d'inspiration est elle-même et ses proches : sa mère à l'écran est sa vraie mère et elle évoque la mémoire de son frère victime du SIDA. Elle transcende la dimension nombriliste du sujet avec une autodérision réjouissante et quelques beaux élans tragiques. Personne n'est épargné, ni les aristocrates ni les domestiques. Tout le monde en prend pour son grade, mais avec affection et humour. Valeria Golino se distingue en sœur exubérante avec une plaie béante qui explose dans une brillante scène de dîner qui la verra s'opposer violemment à son mari interprété par Pierre Arditi qui fait irrésistiblement penser à Nicolas Sarkozy, le mari de Carla Bruni, la sœur de la réalisatrice. Autoportrait quand tu nous tiens…

 

Minuscule 2
Les Mandibules du Bout du Monde

 

Les premières neiges tombent. Une communauté de fourmis noires prépare les réserves pour l'hiver. Lorsque de vilaines fourmis rouges les attaquent, l'intrépide coccinelle vient à la rescousse mais son petit se retrouve accidentellement expédié dans les Caraïbes. Elle part à sa recherche à l'autre bout du monde. Son amie fourmi et une araignée mélomane partent elles aussi de leur côté à bord d'une étonnante embarcation. Thomas Szabo et Hélène Giraud reprennent les commandes de cette suite à leur premier opus sorti en 2014. La fluidité de l'animation, mêlée à de très belles prises de vues réelles, permet de s'impliquer dans les aventures amusantes de ces adorables petites bêtes qui montent, qui montent et parfois descendent avec fracas. Leurs péripéties sont chorégraphiées au millimètre comme au temps du cinéma muet. Pas de dialogues mais une musique espiègle et quelques interactions avec des êtres humains (dont Thierry Frémont et Bruno Salomone) résumés à des corps burlesques et des grognements comiques. Le nouveau cadre géographique, la Guadeloupe, permet aux réalisateurs de se renouveler pour nous dérider les mâchoires, nous titiller les mandibules et nous pincer le coeur.

 

 

Vice
Un vice-président diabolique

 

 

Fin connaisseur des arcanes de la sphère politique, Dick Cheney fut vice-président de George W. Bush de 2001 à 2009. Il a atteint les sommets sans trop se faire remarquer, devenant pourtant un de ceux qui ont radicalement modifié l'essence de l'Amérique, pour le pire. Lorsqu'il a reçu le Golden Globe du meilleur acteur de comédie, Christian Bale a remercié Satan de lui avoir donné l'inspiration. Boutade certes, mais qui repose sur l'influence néfaste de ce triste sire. La principale qualité du scénario est d'avoir saisi comment cet homme est à la fois le symbole d'un terrifiant glissement ultra conservateur et l'un de ses principaux artisans sous les administrations auxquelles il a participé (Nixon, mais surtout Reagan et Bush Senior). Condamné à n'être qu'un alcoolique lorsqu'il était étudiant, il a su trouver sa place grâce à un mentor bien choisi (Donald Rumsfeld, futur ministre de la Défense joué avec un brin de clownerie par Steve Carell) et l'ambition d'une épouse machiavélique incarnée avec délectation par Amy Adams. Après «The Big Short», salué par l'oscar du scénario, la satire politique sied à Adam McKay dont le nouvel opus est cité huit fois lors de la prochaine cérémonie.

Deux fils - Solidarité masculine

 

Joseph assiste à l'enterrement de son frère avec ses deux fils, Joachim et Ivan. Leurs angoisses intimes se dévoilent à cette occasion. Joseph abandonne sa carrière de médecin accompli pour embrasser celle d'écrivain (raté) alors que son aîné, meurtri par un échec amoureux, espère devenir le meilleur psychiatre du monde, le tout sous le regard du cadet tenté par la religion. L'acteur Félix Moati passe à la réalisation avec cette chronique d'un trio masculin en fragilité. Il évoque avec humour et tendresse les aléas d'un lien familial fusionnel en crise. Vincent Lacoste est toujours à l'aise en jeune homme ayant du mal à devenir adulte et Benoît Poelvoorde dévoile à nouveau une fragilité burlesque. Le débutant Mathieu Capella exprime aisément des sentiments forts et contradictoires sur ses modèles, n'hésitant pas à les confronter vertement. Le questionnement existentiel de ces êtres gentiment faibles, loin d'être vains, nous touchent l'air de rien, soutenus par la musique enlevée du groupe Limousine. Modeste dans son style, la réalisation possède de beaux élans esthétiques mettant en valeur cette bataille menée en solidarité par des êtres qui s'aiment malgré les aléas de la vie.

 

 

 

Pascal LE DUFF