CINEMA

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Publié le 11/04/2019 dans ACTUALITES

 

CINEMA

 

La Lutte des classes
Le sens des valeurs

 

Sofia, brillante avocate et Paul, batteur du groupe Amadeus 77, font une jolie plus-value en vendant leur appartement parisien et ont soudain les moyens de s'acheter une maison à Bagnolet. Lorsque leurs amis quittent l'école publique pour un établissement privé, leur fils perd ses copains. Partagés entre leurs valeurs républicaines et leurs craintes de parents, Sofia et Paul cherchent une solution. Michel Leclerc et sa scénariste Baya Kasmi confrontent ce couple engagé à gauche à leurs contradictions avec la réalité du terrain. Avec humour, ils abordent des sujets politiques et sociaux forts, sans chercher à être complètement rassurants. Faut-il privilégier de nobles idéaux ou le bien-être des enfants ? La question de la mixité restera posée jusqu'au bout, à renforts de dialogues parfois hilarants et d'échanges complexes. Edouard Baer a toujours une grande présence, secondé par Leïla Bekhti, parfait clown blanc dans certaines scènes embarrassantes pour leurs personnages. Leurs positions se rejoignent parfois mais pas tout le temps, sans que cela nuise à leur couple, ce qui crée de grands moments de comédie. Une légèreté salvatrice atténue le poids de questionnements lourds.

 

 

 

Shazam !
Ado et super-héros

 

Billy Batson, quatorze ans, passe d'une famille d’accueil à une autre. Alors qu'il se trouve dans le métro, il est happé dans un lieu étrange où un sorcier lui octroie des pouvoirs magiques. Il lui suffira de crier «Shazam» pour se transformer en super-héros dans un corps d’adulte, tout en conservant sa personnalité d'adolescent débrouillard. Créé sous le nom de Captain Marvel dans les années 30, ce rival de Superman a été rebaptisé Shazam dans les années 70. L'approche de cet énième film de super-héros est plus légère que d'habitude, avec un côté volontairement second degré. Ce gamin un rien sarcastique, abandonné par sa mère, n'est pas parfait mais fait preuve d'une nature bienveillante. Il n'est pas guidé par un mentor d'âge vénérable mais par un de ses frères d'adoption, un expert en comics de son âge. Zachary Levi joue très bien la combinaison entre apparence adulte et esprit d'enfant et l'humour repose pour beaucoup sur cette distance bien menée. Un divertissement franchement amusant, en particulier lorsque Shazam découvre ses pouvoirs. Bémol avec le méchant de pacotille dont il est aisé de comprendre les motivations mais qui n'est guère original au final.

 

 

 

Blanche comme neige
Un conte très sensuel

 

La beauté innocente de Claire attise la jalousie de sa belle-mère Maud qui commandite son meurtre. Elle est sauvée par un chasseur qui la recueille dans sa ferme isolée. Claire est vite charmée par son lieu d'adoption. Ses sens s'éveillent au contact des hommes des environs, dont des frères jumeaux, un médecin nerveux, un curé bienveillant, un libraire aux drôles de mœurs et son fils timide… Anne Fontaine, experte en drames tragiques, ne nous avait pas habitué à tant de légèreté. Sa relecture de «Blanche-Neige» ne ressemble en rien à celle de Disney. Elle nous amuse avec ce récit de l'émancipation d'une jeune femme qui se libère de ses chaînes morales et physiques. La ronde de ses amants, plus fragiles les uns que les autres, s'effectue avec une déconcertante facilité. Lou de Laâge fait preuve d'une sensualité communicative, aidée par ses partenaires Damien Bonnard doublement présent en frères jumeaux, Benoît Poelvoorde, Jonathan Cohen ou Vincent Macaigne. Loin de cette générosité, la sinistre marâtre cherche à l'occire et pourtant, on ne peut s'empêcher d'adorer voir Isabelle Huppert se délecter de tant de perfidie. Une savoureuse modernisation du conte des Frères Grimm.

 

 

 

Royal Corgi
Au chenil secret de sa majesté

 

Rex est le chien préféré de la Reine d'Angleterre, au grand dam de ses aînés délaissés dès son arrivée. Il perd son rang de favori lorsqu'il mord le président Donald Trump lors d'un dîner officiel. Envoyé dans un chenil, il va devoir se montrer moins arrogant et accepter l'aide de ses nouveaux amis moins fortunés pour rentrer au Palais de Buckingham. Cette production belge signée par Ben Stassen et Vincent Kesteloot («Le Voyage extraordinaire de Samy» et sa suite) n'est pas franchement originale. Un héros trop vantard qui prend une leçon de vie en tombant de son piédestal, cela rappelle bien d'autres intrigues de films d'animation, à commencer par «Toy Story». Les corgis sont réellement les canins préférés de la reine Élisabeth II depuis 1933, lorsque son père, Georges VI, lui en a offert un ! Cette longue affection prend corps ici avec humour et un brin d'irrévérence, mais pas assez. Le héros au départ guère aimable, se délecte de son statut de chouchou, jusqu'au moment où il comprendra que les amis et l'amour comptent plus que la gloire éphémère du courtisan. Les cabots expressifs sont notamment doublés par Guillaume Gallienne, Franck Gastambide et la chanteuse Shy'm.

 

 

 

Monsieur Link
Le Chaînon manquant
 

 

Sir Lionel Frost, expert en mythes en tout genre, peine à convaincre ses pairs de la validité de ses recherches. Après son incapacité à prouver l'existence du monstre du Loch Ness, il reçoit un courrier anonyme lui annonçant qu'une drôle de créature vit à quelques centaines de kilomètres. Il rencontre un sasquatch, dernier représentant de son espèce, doué de la parole. Frost va l'aider à retrouver ses congénères. Chris Butler («L'Étrange pouvoir de Norman») signe une odyssée intrépide, en compagnie d'un héros arrogant à la Sherlock Holmes, secondé par un improbable Watson. Chaînon manquant entre les êtres préhistoriques et l'homme, Monsieur Link s'avère rapidement plutôt intelligent et très sympathique. Thierry Lhermitte et Eric Judor doublent de façon hilarante ce duo complémentaire malgré leurs caractères opposés. Un rien méprisant avec autrui et d'abord motivé par ses propres intérêts, Frost évolue au contact de son gentil ami poilu et de la courageuse Adelina Fortnight, symbole de l'évolution des mœurs qui parcourt le récit. Un divertissement de grande qualité au rythme énergique, avec une très belle direction artistique et une animation image par image d'une grande fluidité.

 

 

 

Opération Mains Presque Propres

 

2007, en Espagne. Manuel López-Vidal, attend une promotion importante au sein de son parti. Son implication dans une affaire de corruption menace son avenir. Écarté par sa direction, il refuse de payer pour les autres, même s'il est loin de n'avoir rien à se reprocher. Après l'excellent film noir «Que dios nos perdone», Rodrigo Sorogoyen dépeint le milieu politique comme une entreprise mafieuse à travers le parcours d'un homme de plus en plus isolé. C'est un homme corrompu, qui tente d'étouffer l'affaire dans laquelle il est mis en cause, que le réalisateur nous invite à suivre et non pas un innocent injustement accusé. Il ne s'interroge jamais sur les actes qu'il a commis mais se bat pour faire tomber tout le monde plutôt que pour faire triompher une vérité qui ne peut que lui nuire. On le voit s'enfoncer à cause de ses multiples maladresses, à un niveau quasi comique. Antonio de la Torre est seul contre tous en politicien plongé dans une nervosité permanente qu'il fait beaucoup vivre par ses regards agités. Ce drame, librement inspiré de faits réels de détournement de fonds au sein du Parti populaire, est mené comme un thriller, avec musique à suspense et montage tendu.

 

 

 

Pascal LE DUFF