CINEMA

CINEMA

Publié le 13/06/2019 dans ACTUALITES

 

Lune de miel

 

De lourdes racines polonaises

 


Anna et Adam se rendent en Pologne pour la commémoration du soixante-quinzième anniversaire du massacre du village du grand-père d’Adam. Anna ne sait, elle, rien du lieu de naissance de ses grands-parents maternels, également polonais, sa grand-mère n'en ayant jamais parlé à sa fille… Cette quête vers leurs origines ne se déroule pas de la même manière pour l'un et l'autre, Adam n'ayant pas le même désir que sa compagne de s'interroger sur ses aïeuls alors qu'Anna manifeste plus ouvertement sa curiosité. Tous les deux font pourtant le même voyage mais avec des étapes différentes. L'arrivée de la mère d'Anna permet de jolis moments d'émotion grâce à l'alchimie entre Judith Chemla et Brigitte Roüan qui partagent les mêmes instabilités émotionnelles, liées à la difficulté de communiquer sur un drame qui a insidieusement pesé sur elles. Arthur Igual est le bienveillant Adam qui sait écouter ou s'effacer pour permettre à la parole de reprendre ses droits. Le silence des survivants de la Shoah est au coeur de cette très jolie comédie sentimentale qui exprime des choses très profondes sur la famille sans en avoir l'air, grâce à un sens aigu du «souris puisque c'est grave».

 

 

 

 

 

Parasite

 

Une affaire de famille coréenne

 

 

 

Ki-taek, son épouse Chung-Sook, leur fils aîné Yeon-kyo et leur fille cadette Ki-Jung sont tous au chômage. Ils sont entassés dans un appartement miteux en sous-sol avec vue sur la rue bruyante et sale. Min, un ami de Yeon-kyo, lui suggère de donner des cours d’anglais à la fille des Park, un couple aisé qui vit dans une maison cossue. Séduits par ce milieu très huppé, le quatuor va grimper l'échelle sociale en s'incrustant dans la vie de leurs maîtres. Avec un humour mordant, Bong Joon-ho signe une lutte des classes explosive qui glisse imperceptiblement de la comédie vers le film très très noir. Le choc des cultures crée des situations cocasses qui deviennent des prétextes au drame sordide, lorsque des secrets se dévoilent et que le mépris des puissants devient insupportable pour ceux qui le subissent une fois de trop. Le titre n'épargne à ce titre personne. Malgré certaines outrances, il est aisé de comprendre pourquoi cette satire sociale démente a remporté la Palme d'or au Festival de Cannes. Avec son ton aussi affûté que certaines lames apparaissant à l'écran, ce film peut aisément séduire le grand public, même celui qui n'est pas familier avec le cinéma coréen.

 

 

 

X-Men : Dark Phoenix

 

Un phénix trop puissant

 

 

 

Lors d'une mission de sauvetage dans l'espace, Jean Grey frôle la mort. Dès son retour sur Terre, elle ressent que l'étrange nuage cosmique qui l'a frappé a modifié sa puissance et son état mental. Désormais instable, elle peine à contrôler ses émotions et ses pouvoirs. Après un grave incident, elle s'isole des X-Men et de son petit ami Cyclope, perturbée par ce qui lui arrive. Désormais passés dans le giron Marvel où sont produits les Avengers après avoir appartenu à la Fox, les X Men vivent leurs dernières aventures avec cette distribution qui inclut James McAvoy, Michael Fassbender et Jennifer Lawrence. La réalisation de Simon Kinberg diffère sensiblement des précédents opus dont il était pourtant le producteur. Il a une approche plus modeste, malgré les menaces habituelles de fin du monde. Tout en mettant l'accent sur les responsabilités qu'impliquent les grands pouvoirs, il ne délaisse pas les sentiments de ses personnages, meurtris par leurs contradictions. Sophie Turner, l'une des sœurs Stark de «Game of thrones», fait preuve d'une jolie sensibilité face aux tourments nés des mensonges découverts après sa résurrection digne du phénix qu'elle est devenue.

 

Aladdin

 

Will Smith est un génie

 

 

 

Aladdin, petit voleur d'Agrabah, tombe sous le charme de la princesse Jasmine alors qu'elle se promène incognito. Jafar, vizir désirant devenir sultan à la place du sultan, va se dresser sur leur chemin. Heureusement pour le garçon des rues, il trouve une lampe dans une grotte mystérieuse. Il en fait sortir un Génie prêt à exaucer trois vœux. Dans la série «Disney adapte en prises de vues réelles ses classiques de l'animation», voici «Aladdin». Dans un premier temps, on s'inquiète du manque de charisme des amoureux (Mena Massoud et Naomi Scott) et du méchant (Marwan Kenzari), étonnamment jeune. Petit à petit, pourtant, ils s'imposent, aidés de Will Smith parfait successeur du regretté Robin Williams en Génie bleuté. Il est aussi sympathique que bougon, puis plus émouvant lors de l'épilogue. Ils se font presque voler la vedette par l'amusante domestique Dalia (la pimpante Nasim Pedrad) et par le très expressif tapis volant. La mise en scène façon Hollywood est prenante, avec des chorégraphies savamment agencées. Aux chansons familières de la version de 1993 s'ajoute une nouvelle dans l'air du temps, «Parler», sur la libération de la parole des femmes. Un spectacle généreux et bon enfant.

 

 

 

John Wick Parabellum

 

Si tu veux la paix, prépare la guerre

 

 

 

Pour avoir tué un ennemi au sein de l'Hôtel Continental, John Wick est excommunié par la Grande Table et sa tête est mise à prix pour quatorze millions de dollars. Tous les assassins actifs sont à ses trousses et il est strictement interdit de lui porter assistance… Ce troisième chapitre des aventures du tueur retraité, relancé par la mort de son chien, est une suite directe du précédent. Un spectacle jouissif, la moindre scène de combat étant soigneusement chorégraphiée, avec des trouvailles mortelles délirantes. Avec John Wick, même un livre devient une arme. Face à lui, une organisation criminelle bien huilée, avec une adjudicatrice zélée qui enquête sur ceux qui l'ont aidé. Keanu Reeves est toujours aussi athlétique et le prouve face aux dizaines de poursuivants déterminés à mettre fin à ses jours. Ce qui est fascinant avec cet anti-héros attachant, c'est de voir à quel point  il est populaire dans son milieu, même chez ceux qui vont tenter de le tuer, avec parfois une déférence certaine. Autre amoureuse de la race canine, Halle Berry l'aide efficacement, un peu à contre-coeur. Mark Dacascos («Le Pacte des loups») est un adversaire à sa démesure.

 

 

 

Sibyl

 

Le roman d'une psy

 

 

 

Romancière reconvertie dans la psychanalyse, Sibyl décide de tout plaquer pour revenir à sa vocation première. Alors qu'elle se sépare de l'ensemble de ses patients, elle reçoit l'appel désespéré de Margot. Jeune actrice, elle est la maîtresse d'un acteur connu, déjà en couple avec la réalisatrice qui va bientôt les diriger tous les deux et ignore tout de leur liaison secrète. Elle demande l'aide de Sibyl et exige sa présence sur le tournage. Sibyl va-t-elle rester professionnelle ? Découvert en compétition au Festival de Cannes, ce portrait d'une femme indécise malgré son expertise est porté par la prestation de Virginie Efira, magistrale de retenue. Le scénario complexe joue avec les temporalités et la perte des sens entre le passé et le présent, le réel et le mensonge. Un trouble mis en scène avec beaucoup de mystère par Justine Triet, qui retrouve son actrice de «Victoria». Elle raconte à nouveau une histoire de femme forte et fragile à la fois, avec une dose plus forte de romanesque. Adèle Exarchopoulos, Gaspard Ulliel, Sandra Hüller, Laure Calamy, Niels Schneider et l'île de Stromboli accompagnent ce voyage aux niveaux de lecture multiples, tant les personnages mentent aux autres comme à eux-mêmes.

 

 

 

Pascal LE DUFF