CINEMA

CINEMA

Publié le 16/01/2020 dans ACTUALITES

 

L'Extraordinaire Voyage de Marona
Revivre sa vie de chien

 

Renversée par une voiture, Marona voit sa vie défiler auprès de ses divers maîtres : Manole le funambule, Istvan le chauffeur routier et la petite Solange. C'est avec cette dernière que la boucle de sa trop courte existence sera bouclée... Anca Damian vous serrera le cœur avec le triste destin d'une chienne débordant de gentillesse. Ballottée au gré des humeurs de ceux qui vont la recueillir, elle ne comprend pas toujours ce qui lui arrive, malgré ses bonnes intuitions. L'émotion prégnante passe beaucoup par le doublage (dont les voix de Bruno Salomone et Thierry Hancisse en marginaux affectueux mais maladroits avec la boule de poils) et les mélodies douces de Pablo Pico, un peu trop présentes dans la première moitié. La variété des décors et des styles graphiques ne cessent de surprendre, tout comme certaines trouvailles de mise en scène dont le costume rouge de l'acrobate qui se détricote sans cesse, comme pour souligner son mal-être. Malgré sa mélancolie prégnante, il est possible de découvrir ce très beau film d'animation en compagnie de jeunes enfants, une belle manière de leur apprendre à ne pas tenir pour acquis ceux qu'on aime et qui vous aime.

 

 

 

SOL
Tango à la française

 

Chanteuse de tango en Argentine, Sol Cortiz (ou Solange de son vrai prénom) décide de rentrer en France pour rencontrer enfin son petit-fils. Tout en assumant sa soif d'indépendance, elle souffre de la mort du fils qu'elle a perdu de vue lorsqu'il s'est marié et de ne pas connaître sa famille. Elle se présente à sa belle-fille Eva mais, sur un malentendu, devient sa locataire. Elle s'incruste comme par accident en devenant leur femme de ménage et une baby-sitter très présente, en dépit des salutaires rappels à l'ordre de son amant dévoué, mais plus raisonnable qu'elle. Cette imposture manque d'originalité mais le tempérament de Chantal Lauby épice une comédie tendre qui eût été trop superficielle sans sa présence. Elle est parfaite en grand-mère pas sage, imbue d'elle-même et au sens des réalités limité. L'attachement qu'on peut porter à cette famille meurtrie repose sur les épaules de l'ex membre des Nuls qu'on aimerait voir plus souvent, dans des projets un peu plus solides. Elle passe aisément d'une cocasserie bien latine à une émotion délicatement chaleureuse. L'affrontement insidieux avec Camille Chamoux s'avère distrayant malgré ce mensonge étiré au-delà du crédible.

 

 

 

Un vrai bonhomme
Mon frère, ce héros

 

Tom, quinze ans, est super timide. Son grand frère Léo, champion de basket, est le garçon parfait que tous ses camarades rêvent d'être. Ils sont pourtant très proches, mais un accident va modifier leurs rapports. Alors qu'il fait sa rentrée dans un nouveau lycée, Tom reçoit les conseils parfois encombrants de son aîné qui n'est plus vraiment là. Entre teen movie à l'américaine et film très français sur le deuil, Benjamin Parent impose un regard personnel sur cet âge troublé avec cette œuvre éloignée des sentiers battus. Il se sert des clichés du genre pour interroger les dérives de la masculinité exacerbée, ce qu'il avait déjà évoqué dans son court-métrage remarqué «Ce n’est pas un film de cow-boys» sur des ados surpris par le grand secret de «Brokeback Mountain». Tom n'ayant pas son tempérament, les leçons de virilité de Léo apparaissent vite vouées à l'échec. La complicité entre Thomas Guy et Benjamin Voisin en font des frères évidents, tout comme celle qui unit les parents Isabelle Carré et Laurent Lucas, émouvants dans leur désarroi. Tous donnent du cœur à une famille perdue après le fléau qui les frappe. Un conte décalé, enrichi par ses discrets infléchissements fantastiques.

 

 

 

Les Filles du Docteur March
Des femmes en liberté

 

États-Unis, durant la guerre de Sécession. Quatre sœurs de bonne famille vivent chichement avec leur mère. Au-delà de l'affection qu'elles se portent et de leur générosité, l'art est leur principal point commun. Jo est celle qui impulse une énergie communicative à ses proches. Écrivaine dans l'âme, elle parvient à faire publier quelques nouvelles pour aider la maisonnée. Meg, l'aînée, apprentie comédienne, a la tête sur les épaules, leurs cadettes Beth et Amy sont respectivement une musicienne timide et une peintre au caractère bien trempé, fâchée de rester dans l'ombre de Jo. Greta Gerwig («Ladybird») signe la meilleure adaptation au cinéma du classique écrit par Louisa May Alcott devenu synonyme d'émancipation des femmes. Au cœur de sa version, toujours du romantisme, mais aussi l'humour des personnages et des questionnements sociaux. Omniprésent dans les discussions, l'argent est le nerf de la guerre de cette nouvelle incarnation des «Quatre filles du docteur March» portée par l'nergie de Saoirse Ronan (Jo) et Florence Pugh (Amy). La leçon principale, devenir soi-même et le rester contre tout et tous, est traitée avec complexité, en évitant les bons sentiments.

 

 

 

Chasse aux tueurs de flics

 

Deux ex militaires braquent un restaurateur qui cache dans sa cave des kilos d'héroïne. Le cambriolage tourne mal lorsque des policiers arrivent sur les lieux. Huit d'entre eux sont tués. Sous le coup d'une enquête de la police des polices, l'inspecteur André Davis est déterminé à les stopper coûte que coûte. Soutenu par une collègue des Stups, il va faire fermer les 21 ponts et les tunnels qui permettent de quitter Manhattan. Une chasse à l'homme s'engage dans un contexte de corruption généralisée... Après une ouverture peu rassurante avec un policier prompt à rendre la justice lui-même et mis en valeur avec complaisance dans un premier temps, le scénario se fait plus surprenant tout en restant cohérent. La psychologie du duo d'assassins est ainsi soignée. Le plus dangereux des deux, atteint de stress post traumatique, n'est pas aussi limité que ce qu'il apparaissait être de prime abord et son complice, calme et réfléchi, cherche à tout prix à minimiser leur dérive. Taylor Kitsch et Stephan James sont dans un registre nuancé et on se surprend à trembler pour eux. L'inspecteur borné évolue et n'exercera certainement plus son métier de la même manière. Chadwick Boseman alias Black Panther manque un peu de finesse dans son jeu, mais s'en sort néanmoins. D'autres personnages comme sa partenaire d'un soir et les rescapés de la brigade meurtrie sont hélas plus conventionnels. La conclusion qui s'étire alors que tout avait été dit auparavant empêche ce polar efficace de s'élever au-delà de l'honnête série B .

 

 

 

Play
Les années camescope

Max, 38 ans, replonge dans ses cassettes enregistrées sur le caméscope offert par ses parents lorsqu'il était ado. L'objet est vite devenu un prolongement de lui-même et il n'a cessé de filmer les petits et grands événements de sa vie. Il décide de monter ces images du passé. Ses copains pour la vie, Arnaud, Mathias et Emma, vont grandir avec lui sous nos yeux, avec plus ou moins de difficultés. Max Boublil tient le rôle-titre de ce teen movie drôle et mélancolique dont il est le co-scénariste avec le réalisateur Anthony Marciano, son ami d'enfance. Toutes les images ont été tournées comme si elles sortaient réellement d'un caméscope. Les scènes où l'appareil est trop présent se justifient par l'obsession de Max de filmer en toute occasion chaque moment vécu. Alice Isaaz est la presque trop parfaite Emma, qui va passer de meilleure amie à objet de son affection. Un amour marqué par l'incapacité du jeune homme à assumer ce qu'il ressent malgré ses tentatives de lui faire comprendre qu'elle partage ses sentiments. Noémie Lvovsky et Alain Chabat sont les parents de Max, comme un clin d'oeil pour lui à «La Cité de la peur» directement cité. La bande originale est riche en tubes marquants des années 90.

 

 

 

Pascal LE DUFF