L'ART FORAIN : GUSTAVE BAYOL

L'ART FORAIN : GUSTAVE BAYOL

Publié le 17/04/2018 dans HISTOIRES FORAINES

 

L’ART FORAIN :
GUSTAVE BAYOL (1859-1931)

 

 

 

La fête foraine trouve son origine dans les spectacles des foires marchandes du Moyen-Age où saltimbanques, jongleurs, bateleurs et comédiens donnaient des spectacles d’estrade. D’ailleurs, le calendrier des fêtes a longtemps suivi celui des Saints-Patrons et des commémorations religieuses, et parfois même l’intérêt du clergé dont l’escarcelle se remplissait à l’occasion.

 

Ainsi, en 957, la première édition de la Foire du Trône voulu par le roi Lothaire dans les jardins de l’Abbaye Saint Antoine sauva ladite abbaye de la faillite !

 

Ces fêtes essentiellement liées aux commémorations religieuses ont perduré jusqu’à la Révolution Française qui a mis fin à ce monopole en instaurant les fêtes de la Liberté, de la Fraternité et du  Progrès… Les deux cohabitent alors, mais la République, qui instaure progressivement la laïcité, encourage les fêtes foraines qu’elle peut mieux contrôler.

 

La plupart des voyageurs peignaient, sculptaient et décoraient eux-mêmes leurs métiers.

 

Il faut toutefois attendre le milieu du dix-neuvième siècle et les progrès liés à la Révolution industrielle pour que la fête foraine se mécanise et développe une architecture spécifique, l’Art Forain. Un art populaire constitué de chevaux de bois, de balançoires, de baraques de montagnes russes, d’entresorts, de confiseries et de carrousels salons dont certains constituent de véritables « monuments nomades ». Sculptures, peinture, dinanterie, miroiteries, passementerie, orgues, etc., sont alors à l’honneur.

 

 

 

D’Avignon…

 

C’est précisément dans cette seconde moitié du dix-neuvième siècle que naît celui qui deviendra le plus célèbre sculpteur d’Art Forain français : Gustave Bayol.

 

A cette époque, la plupart des voyageurs réalisaient, peignaient et décoraient eux-mêmes leurs métiers. Certains achetaient des sujets en provenance d’Allemagne et d’Angleterre, alors que d’autres, peu nombreux, s’adressaient à Alfred Chanvin, un artisan sculpteur de l’Yonne.

 

Gustave Bayol, nait au Pontet, près d’Avignon, le 16 décembre 1859, d’un père menuisier, et s’intéresse très tôt au travail du bois. Il suit les cours de l’école des Beaux-Arts d’Avignon avant d’entreprendre son « tour de France ». 

 

A 19 ans, il est déclaré apte au service militaire, et rejoint, pour cinq ans, le 6 ème régiment des Pontonniers d’Angers, sur les bords de Loire.

 

Dans la ville du bon Roi René, ses talents d’ébéniste et de sculpteur lui valent quelques commandes (meubles, statuettes, etc.) et la bienveillance de ses supérieurs qui l’autorisent à prendre une chambre en ville.

 

 

 

… au premier atelier angevin

 

C’est à Angers qu’il fait connaissance de celle qui deviendra sa femme. Démobilisé, il se marie en 1884 et s’installe en ville comme sculpteur. S’il restaure de vieux meubles, il réalise aussi des statues religieuses et profanes, des bustes et des médaillons. En bois, en plâtre, en pierre ou en marbre…

 

L’artisan angevin qu’il est devenu participe activement au

 

carnaval de 1887, donné au profit des pauvres, Pour l’occasion,
Gustave Bayol imagine un étonnant « Char de la Sculpture » dont les Archives municipales possèdent aujourd’hui encore le dessin préparatoire. Pour le réaliser, Bayol s'est inspiré d'un document figurant au… « Traité des tournois, joustes, carrousels et autres spectacles publics » de Menestrier .

 

Les festivités du carnaval achevées, notre jeune sculpteur obtient l’autorisation d’exploiter son char pour promener les enfants sur jardin du Mail.

 

Pour Fabienne et François Marchal, auteurs de « L’Art Forain, les animaux de manège », tout commence cette année-là, lorsqu’un forain le contacte « pour lui commander une série de chevaux de bois, différents des modèles allemands que l’on pouvait voir sur tous les carrousels». Gustave Bayol s’exécute et, de par leur originalité, leur facture, les chevaux installés sur le carrousel font l’admiration des forains comme du public. Il n’en faut pas plus : le bouche-à-oreille fonctionne bien et les commandes affluent à l’atelier de Bayol qui, en 1892, travaille entouré d’une douzaine de compagnons.

 

 

 

Des sujets aux manèges

 

Les ateliers de Gustave Bayol, qui réalisent de plus en plus de sujets forains, travaillent aussi pour le cirque. Témoin, le char réalisé pour le Cirque Pinder et présenté pour la première fois au Salon des Amis des Arts d’Angers de 1895.

 

Les carnets de commandes sont pleins et l’atelier des débuts est devenu inadapté. Gustave Bayol et son équipe déménagent alors dans des locaux plus vastes et plus fonctionnels. Il embauche au point de compter une centaine d’ouvriers en 1898 et élargit sa production aux manèges et carrousels. Pour ce faire, il s’associe à Charles Detay, un industriel local possédant une usine de constructions mécaniques..

 

En 1898, il crée la… Société angevine des industries foraines en commandite par actions, s’installe dans de nouveaux locaux, route de Paris, et crée de grands carrousels à thèmes. Qu’il s’agisse du manège des vaches, des lapins, des ânes ou des cochons...

 

D’ailleurs, Bayol affectionnait tout particulièrement les cochons auxquels il a prêté toute une palette de physionomies différentes : espiègle, malicieux, rieur ou gourmand. La disposition de leurs oreilles leur donnant des attitudes humoristiques et attachantes. Mieux, pour les rendre encore plus sympathiques, notre maître-sculpteur n’hésitait pas à les affubler de faveurs ou de nœuds à rubans, à la manière des enfants modèles !

 

Le maître de l’Art forain
A la fin du dix-neuvième siècle, les ateliers Bayol symbolisent l’Art forain français. Leur rayonnement est très grand et pourtant, cela ne va pas sans problème. Développement trop rapide, débiteurs impécunieux, charges trop élevées…Toujours est-il qu’en 1900, la société connaît quelques difficultés passagères. Le Tribunal de commerce d’Angers invite alors « les créanciers de la société Bayol et Cie à se manifester suite à la liquidation judiciaire de l’entreprise ». Des problèmes passagers qui n’empêchent pas le maître de l’Art Forain de rebondir de plus belle, de s’agrandir à nouveau et de travailler pour les propriétaires des plus grands manèges forains. Qu’il s’agisse des familles Chemin, Lesot, Préau, ou Lefèvre…

 

Sa fille, Mireille, naît en 1902. En janvier 1906, notre maître-sculpteur dont les ateliers prospèrent à nouveau, adresse, en guise de vœux, à ses clients, une « bayolade » dont il a le secret. Illustrée d’une photo de lui, la jambe gauche immobilisée, cette carte de vœux reproduite dans le superbe ouvrage de Fabienne et François Marchal écrit avec humour :

« Petite ou très grande baraque/Sort comme par enchantement/De mon bel établissement/ Je fais des chevaux, des montagnes/ Des ceci, des cela, des tas/ (…) ».

Et, en 1909, ainsi que le rappelait « Vivre à Angers » de décembre 1994, sous la plume de Sylvain Bertoldi, conservateur des archives de la ville : les ateliers Bayol réalisent le grand carrousel-salon qui appartiendra aux Demeyer à partir de 1927. Il s’agit d’un superbe manège dont la façade est inspirée du palais de l'Électricité de l'Exposition Universelle de 1900. D’ailleurs, on peut l’admirer à Ungersheim, à l'Écomusée de Haute-Alsace à Ungersheim.

 

Fabricant à part entière, Gustave Bayol propose un catalogue fourni sur lequel les forains ont le choix entre le manège de  bicyclettes, d’aéroplanes, de vaches, de cochons, etc.

 

Sur une carte de voeux adressée à ses clients fin 1909, il écrit avec humour :

« Après ballons captifs, autos, lapins et singes/

 

Voici que mes marteaux, mes burins frappent dur/(…)/

 

Pour bâtir merveilleux de pimpants aéros/ Comme les Blériot, les Lathan, mais j'efface/A leurs énormes prix quantité de zéros !/(…) ».

Ce qui fait alors des manèges d’aéroplanes à moins de mille francs de l’époque.

 

 

 

Le passage de témoin

 

Cette année-là, Chailloux et Coquereau, deux de ses plus proches compagnons, lui font savoir qu’ils veulent créer leur propre entreprise. Cela tombe bien car, Gustave Bayol, fatigué, décide de passer la main. Chailloux et Coquereau s’associent alors au sculpteur Maréchal, lui aussi, salarié des ateliers Bayol.

 

Formés dans l’entreprise, ils maintiennent la tradition. Mais, très vite, les fêtes et divertissements n’auront plus lieu d’être. La patrie est en danger et la guerre va mobiliser toutes les énergies. Sombre parenthèse de l’Histoire, que cette guerre de 1914/1918. De nombreux ouvriers de l’entreprise angevine périront dans les tranchées ou reviendront blessés, voire infirmes.

 

 

 

Les dernières années
En 1918, il faut repartir de zéro ou presque. Chailloux, Coquereau et Maréchal relancent la machine, alors que Gustave Bayol, à qui l’inaction commençait à peser, se relance dans la vente de manèges, de bimbeloterie, passementerie et accessoires pour forains. Il relance ses anciens clients, vend des métiers entièrement réalisés par ses successeurs et se lance aussi dans la fabrication de jouets pour enfants. Une activité qu’il exercera jusqu’en 1931, année de sa disparition, à 71 ans, après une vie entièrement consacrée – ou presque- à l’Art forain !