L'ART FORAIN - LES STYLES FRANCAIS ET ANGLAIS

L'ART FORAIN - LES STYLES FRANCAIS ET ANGLAIS

Publié le 31/05/2018 dans HISTOIRES FORAINES

 

 

 

L’ART FORAIN :

 

2. LES STYLES FRANÇAIS ET ANGLAIS

 

L’Art forain français connaît son apogée au début du vingtième siècle. Il utilise les arts traditionnels tels que la sculpture sur bois en ronde bosse ou en bas relief, animalière ou décorative, la peinture de paysages, scènes de genre et portraits, la peinture ornementale, mais également les métiers d’arts tels que la dinanterie, la miroiterie ou la passementerie, etc.

 

Si Angers fut alors « LA » capitale de l’art forain français, des artistes ont exercé leur talent un peu partout en Europe. C’était notamment le cas de Friedrich Heyn à Neustadt sur Orla (Allemagne), d’Alexandre Devos à Gand (Belgique) ou de Frederick Savage à King Lynn (Royaume-Uni). Des « maîtres » européens de l’art forain qui, chacun dans leurs ateliers, développent leur propre style, identifiable. Ils ont su concevoir des décors, en jouant sur la démesure, la surcharge et la répétition des motifs, les rapports d’échelles avec pour objectif de déstabiliser le regard, de fasciner le public et… mieux le séduire.

 

La France, mais aussi la Belgique, l’Angleterre, l’Allemagne ou l’Italie permettent de distinguer différentes « écoles », donc différents styles. Mais, si les amateurs éclairés savent distinguer un cheval de Bayol d’un autre de Spooner ou de Friedrich Heyn, ce n’est pas le cas de tout le monde. Voici donc l’essentiel de ce qu’il faut savoir sur ces différentes écoles, ces différents styles. A commencer par la France et l’Angleterre…

 

 

 

Le style Français

 

Dans un article paru en février 1993 dans « La Revue du Louvre », Zeev Gourarier disait de Gustave Bayol, qu’il a inventé le style français, « sobre et naturel, satirique et tendre », ajoutant : « La qualité de son œuvre le distingue de tous les créateurs de décors forains, comme une figure au talent exceptionnel ».
C’est si vrai que nous avons précisément « inauguré » cette rubrique dédiée aux grandes figures de l’Art Forain avec ce sculpteur de grand talent, et que Fabienne et François Marchal lui consacrent près d’une vingtaine de pages dans leur merveilleux ouvrage sur l’Art Forain expliquant sa notoriété par… « son rôle de précurseur, l’aspect quantitatif de sa production et enfin l’aspect qualitatif de son œuvre (style de l’artiste et évaluation de son influence) ». Et, force est de constater que le rayonnement de Bayol est grand. Si grand qu’on va même jusqu’à confondre le style Bayol avec celle-ci. Pour preuve, son influence se fait sentir sur les réalisations de ses anciens collaborateurs que sont Coquereau et Maréchal, mais aussi chez Bourassé et d’autres comme Henri De Vos, Chanvin, etc. « Seuls Mathieu et Soccorsi parviendront à rompre avec lui pour s’affirmer chacun à travers un style personnel » affirment Fabienne et François Marchal dans leur ouvrage.

 

Alors, quid du style français ?
Dans un document remis par Jean-Paul Favant, il y a quelques années, alors que nous visitions en sa compagnie le Musée des Arts Forains, nous pouvions lire que, fortement influencé par le réalisme de Bayol, il nous offre des sujets animaliers aux lignes équilibrées et harmonieuses.  Pleine ou creuse, la queue des chevaux est toujours pleine, les selles sont d’une grande sobriété, identiques à celles utilisées en équitation : le siège bien creusé avec un léger bourrelet. La crinière des chevaux, toujours pleine, descend bas sur l’encolure, et les naseaux très creux sont retroussés dans leur partie supérieure.

 

D’une très grande diversité, les animaux de l’école Française n’en présentent pas moins les mêmes constantes : selle anglaise, proportions scrupuleuses des corps et des pattes, belle expression des têtes et sens du mouvement. Un classicisme contrebalancé par l’apport de boucles nouées, de fleurettes, de glands et autres grelots sur les harnais, l’encolure des chevaux et autres animaux, à la manière de Bayol. Bref, autant de petites fantaisies qui ajoutent une part de merveilleux au réalisme des animaux.

 

Notons aussi que les carrousels français étant conçus autour d’un scénario (cochons, vaches, ânes, chats, lapins, etc.), le mouvement constitue l’action dont le décor thématisé, renforce l’attractivité (un véritable spectacle pour le public !). Ces carrousels sont ornés de coquilles, de torsades, de feuilles d’acanthes, de corniches, etc. Un souci du détail qui se niche y compris dans les encadrements de miroirs que Bayol traite, par exemple, en « bords flammés ». Une caractéristique qui permet, d’ailleurs, d’identifier ses oeuvres…

 

 

 

Le style Anglais

 

Federick Savage, Charles-John Spooner, George Orton, John Robert et les frères Anderson… sont sans doute les « maîtres » les plus connus de l’école anglaise.

 

Frederick Savage, étant, est-il besoin de le rappeler, l’inventeur des manèges mécaniques.
A 16 ans, il débute comme ouvrier métallurgiste et, quelques années plus tard, utilise des machineries agricoles qu’il détourne à des fins ludiques. Quant à la décoration de ses balançoires et montagnes russes à vapeur ou ses carrousels, il assemble des panneaux et des frontons parfois très chargés. Ses sculptures, toutes en volutes, empruntent au style Rococo. Les cartouches des frontons sont chargés d’inscriptions en style gothique alors que ses hauts reliefs représentent souvent des personnages contemporains tel le Duc de Windsor. Davantage spécialisés dans la conception et la réalisation de manèges, ses ateliers n’en produisirent pas moins de nombreux sujets animaliers parmi lesquels figurent des autruches, des coqs, et autres galopeurs. Ses chevaux sont réalistes et assez sobres.
Dans leur ouvrage sur « L’Art Forain », Fabienne et François Marchal rappellent que Savage travailla aussi quelques années avec Marcus Charles Illions, un sculpteur de grand talent qui, quelques années plus tard émigra vers les Etats-Unis, où il devint un des maîtres de l’art forain américain. Il travailla aussi avec R. J. Lakin qui ouvrit son propre atelier près de Londres.

 

Parmi les autres maîtres de l’école anglaise, il convient de citer Charles-John Spooner et George Orton (à qui F. Savage acheta de très nombreux chevaux pour les manèges qu’il réalisait). Associés, gendre (Spooner) et beau-père (Orton) produisent des chevaux fantasques aux robes constellées de fleurs stylisées aux feuillages étirés. Les attitudes de leurs chevaux évoquent les gravures anglaises de chasse. Parmi les réalisations les plus célèbres des ateliers Orton et Spooner : les fameux centaures créés au début du siècle pour un étonnant manège où figuraient Baden Powell, le Prince de Galles ou Ali Pacha, etc. On doit aussi à ces mêmes ateliers de superbes façades de cinémas forains.

 

Pour Fabienne et François Marchal, Charles-John Spooner est sans aucun doute le plus inventif des sculpteurs anglais.
Un sculpteur qui, à travers le traitement des ornements, « a cherché à rendre l’impression de mouvement, de vitesse : rubans, pompons inclinés, motifs tourmentés (…) ».

 

Les ateliers Anderson, des frères John Robert et Arthur Earnest Anderson, occupent une place à part dans le style anglais.  Grâce, notamment, à Arthur qui accorde une grande liberté artistique à ses compagnons sculpteurs. Résultat : sortent des ateliers Anderson des sculptures animalières qui, selon Fabienne et François Marchal abandonnent  tout réalisme au profit du rêve et du fantastique.

 

Enfin, dans les années 20, les Anglais adaptent la mode Art Déco à l’art forain. Du coup, les reliefs des sculptures disparaissent au profit de simples détourages permettant aux peintres de laisser libre cours à leur imagination. Des éléments métalliques interviennent dans les peintures et leur apporter brillance et éclat. Avec, parfois même, l’utilisation de vernis afin d’accentuer cette brillance.

 

Dans le même temps, d’autres écoles, en Europe, affirment leur style. C’est notamment le cas de l’Allemagne et de la Belgique.

 

 

 

Un véritable bestiaire européen

 

C’est au Musée des Arts Forains, dans les anciens chais de Bercy, à Paris, que l’on peut admirer le plus beau bestiaire européen d’art forain.