LE CIRQUE CORVI

LE CIRQUE CORVI

Publié le 08/11/2018 dans HISTOIRES FORAINES

 

LE CIRQUE CORVI

 

 

 

Il est des attractions qui ont marqué leur époque.  Au 19ème comme au début du 20ème siècle, mais aussi avant ou après-guerre, une époque où leur durée d’exploitation était souvent beaucoup plus longue qu’elle ne l’est aujourd’hui. Parmi eux, le Cirque Corvi. Un cirque pas tout à fait comme les autres…

 

 

 

Sur les champs de foire de la seconde moitié du dix-neuvième et du début du vingtième  siècles, une baraque retenait l’attention : le Cirque Corvi où, lors de la parade, on découvrait – outre quelques animaux dressés - des musiciens vêtus de schakos hongrois, superbes vestes bleues à brandebourgs en or, souvent trop larges ou trop étroites selon la corpulence des artistes de rencontre. Pour Charles de Bussy, auteur de l’ouvrage  « Les Forains à travers les âges » paru en 1930 aux éditions de l’Intermédiaire Forain, le Cirque Corvi – dont le véritable nom était le Théâtre cirque miniature Corvi - était un établissement occupant une place à part dans les annales foraines « Ce n’était pas évidemment un cirque. Un cirque est en effet une enceinte circulaire, c’est-à-dire en forme de cercle. Or, le Cirque Corvi était rectangulaire, et le spectacle s’y donnait, non sur une piste, mais sur une scène » !

 

Chez Corvi, la troupe n’était composée que de singes de toutes tailles, de diverses provenances, de races différentes, et la famille Corvi était fière d’avoir obtenu de ses « artistes » une telle assimilation des gestes humains. C’était prodigieux !

 

Une grande toile peinte suspendue à la gauche de l’entrée de la façade de la baraque représentait  les numéros joués par les animaux de la troupe. Avec ce décor en toile de fond, décor qui jouait un vrai rôle publicitaire, servant à attitrer la foule, restait à ferrer le chaland avec un boniment approprié. C’est là qu’intervenait la parade… Le papa Corvi, en habit bleu France, bottes à l’écuyère, avec gland d’or, cravache à la main, était un bonisseur de première. Il présentait sa troupe, depuis le noir gorille jusqu’au chimpanzé, ouistitis et gibouins… tous revêtus de costumes appropriés aux exercices du programme. A l’époque où Jules Léotard étonnait le public du Cirque d’Hiver avec ses trois trapèzes, Corvi lançait en parade, de sa voix claironnante:  « Sami que voici, Mesdames et Messieurs, vous surprendra par sa souplesse et son agilité sur les trois trapèzes . Le grand Léotard est dépassé ! Quant à Couli, le juge Couli, grave comme un pape, vous le verrez dans la pièce à grand spectacle « Le Sergent et la Rose », pièce à laquelle se joindront le chat Matou et le caniche Azur. Un spectacle applaudi par toutes les Cours d’Europe… »
Le public, conquis par son boniment, sortait ses 50 centimes pour découvrir les exercices et tout genre des singes et de la petite troupe animale, sans oublier les saynètes ou la pièce proposées, petits chefs d’œuvre de dressage !

 

 

 

Jusqu’aux années de guerre…

 

Selon Jacques Garnier, auteur de « Forains d’hier et d’aujourd’hui », les Corvi sont les descendants d’une très vieille famille italienne. « Jacques Corvi, écrit-il, connut des débuts difficiles. Il parcourt l’Italie en montrant quatre singes mal dressés que portait, avec ses bagages, un petit bourricot. Travailleur sérieux et ordonné, il fit rapidement quelques économies. En 1845 il est à la foire à Orléans et il pû, dès 1846, débarquer à Paris à la tête d’une troupe animale bien dressée ».

 

Jacques Corvi s’installa alors au Jardin Turc, sur le boulevard du Temple. Il y fit construire  une baraque en bois, mais n’y resta que quelques mois, les propriétaires des attractions et distractions voisines jaloux de son – immense succès -, exigeant son départ.

 

Qu’importe, Jacques Corvi avait pris pied dans la capitale et, l’espace de quelques mois, le « Théâtre cirque miniature Corvi » jouissait d’une réputation qui n’allait pas se démentir au fil du temps.
En 1869, il céda son « Théâtre-Cirque » à son fils Ferdinand qui n’avait alors que 16 ans mais nourrissait une véritable passion pour le métier. Il resta un certain temps avec lui et reprit même du service lorsque celui-ci s’engagea comme volontaire pendant la guerre franco-allemande de 1870. La paix revenu, Ferdinand reprit les rênes de la troupe.

 

Le Théâtre cirque Corvi se produisait alors sur les plus grandes fêtes foraines de France et Navarre, mais aussi à l’étranger. Y compris devant les souverains d’Europe. Notamment au Grand Cirque Impérial de Saint-Pétersbourg où, en 1875, il joua devant la famille impériale.
Grand et beau succès certes, mais à son retour de Russie, un incendie se propageant dans les wagons où ils voyageaient lui fit perdre tous ses animaux. Il lui fallut alors repartir à zéro. Ce qu’il fit avec courage et le soutien de son père, Jacques, qui vivait alors retiré des affaires dans sa maison de Belleville, à Paris, où il décéda en 1890 à l’âge de 75 ans...

 

Avec une nouvelle troupe à l’affiche, Ferdinand Corvi reprit la route, « bourrées » quotidiennes à l’appui. Son Théâtre cirque miniature connaissant un immense succès. En province comme à Paris où, présent à la fête de Montmartre, il avait l’habitude de s’installer sur un terrain vague situé à l’angle du boulevard de Clichy et de la rue des Martyrs.

 

En 1887, il devint vice-président de l’Union Mutuelle des industriels et artistes forains, un des premiers journaux forains,  présidé par François Bidel, et continua de tourner sur les champs de foire et les scènes d’Europe avec sa merveilleuse troupe d’animaux dressés jusqu’aux approches de la première guerre mondiale. Il présenta sa troupe animale sur différentes scènes parisiennes telles que les Folies Bergères, le Nouveau Cirque où l’Eldorado, à Paris, et fit le métier jusqu’à l’approche de la première guerre mondiale avant de disparaître, en 1913.

 

 

 

Une doublure pour chaque rôle
Sacré bonhomme que ce Ferdinand Corvi qui  avait pour habitude de dresser une doublure pour chaque rôle afin de ne pas être pris au dépourvu, déclarant à Hugues Le Roux dans « Les jeux du cirque et vie foraine » paru en 1889 :  « Je perdrais demain mon grand premier rôle, que le spectacle ne chômerait pas un seul jour nous le remplacerions par sa doublure ».

 

 

 

Des artistes inspirés

 

Force est de reconnaître que ses pièces, habilement jouées par une troupe animale intelligemment dressée, faisait le bonheur du public. Et des artistes… Le Théâtre cirque miniature Corvi a inspiré l’affichiste Jules Chéret, Jules Garnier ou le peintre Georges Seurat pour ne citer qu’eux.

 

Lors de sa participation au spectacle des Folies-Bergères en 1881 dont l’affiche programme, signée Jules Chéret, annonçait : « Cirque Corvi, quadrupèdes & Quadrumanes » . Celle du Nouveau Cirque présentait toute une ribambelle de chiens et singes dressés autour de F. Corvi. Idem pour le peintre Georges Seurat qui pour « Parade de Cirque », huile peinte en 1887 s’inspira du décor placé derrière les musiciens de la parade, ces grandes toiles peintes tendues à l’extérieur de la baraque du Cirque Corvi. A noter aussi les dessins des animaux de Corvi par l’illustrateur Jules Garnier. Dessins illustrant l’ouvrage  « Les jeux du cirque & vie foraine » d’Hugues Le Roux paru en 1889.