LES GLOIRES DE LA FETE : BENEVOL

LES GLOIRES DE LA FETE : BENEVOL

Publié le 31/07/2017 dans HISTOIRES FORAINES

 

BENEVOL,

 

MAÎTRE DU MYSTERE

 

ET COUPEUR DE TÊTE !

 

 

 

Surnommé le « Maître du Mystère » par les uns, le « Grand dominateur de la volonté » ou « Le coupeur de têtes » pour d’autres, Francesco Benevole, dit Bénévol, est né le 15 juillet 1865 à Plaisance en Italie. Son père, Bernardo Benevole, vendait des étoffes dans l’échoppe familiale avant de rejoindre, avec Maria, son épouse, la troupe du théâtre ambulant animée par ses oncles et cousins. Ses parents parcourent alors en famille la péninsule italienne, chantant, dansant ou jouant la comédie dans les villes et villages où ils montent leurs tréteaux. Pendant ce temps, Francesco est confié à sa grand-mère. Du moins jusqu’à ce que ses parents aient pris leur indépendance en montant leur propre théâtre, le        « Teatro Bernardo Benevole ». Il les rejoint les rejoint et partage alors la vie de la troupe. Une vie de voyageur qu’il mènera jusqu’à la fin de sa vie , ou presque…

 

 

 

Du Théatre familial…

 

En tournée, la vie n’est pas un long fleuve tranquille. Père et fils ne sont jamais d’accord. Ou que très rarement… Les disputes succèdent aux disputes au grand dam de la mère. Au point qu’après l’une elles, sans doute plus violente que les autres, le jeune Francesco quitte sa famille. Il parcourt alors l’Italie en exerçant mille petits métiers. Et devient un véritable « touche-à-tout » étant tout à la fois bon musicien, excellent bonisseur, vendeur d’onguents, d’amulettes et autres portes bonheur. Il fut même cireur de bottes et garçon de café, ainsi que le relate Jacques Garnier dans l’ouvrage « Bénévol, la Maître du Mystère ». Et cela, jusqu’au jour où sa route croise celle du théâtre ambulant de ses parents. De retrouvailles en embrassades, de part et autre on se promet d’oublier le passé.
Francesco réintègre la troupe du « Teatro Bernardo Benevole » qui se produit indifféremment en Italie et en France. Il y présente déjà quelques numéros de prestigitation et d’art clownesque.

 

En 1894, la troupe se trouve à Lyon à l’occasion de l’Exposition Universelle que doit inaugurer le président Sadi Carnot. Las, ce dernier est assassiné par l’anarchiste italien Caserio. Face à l’hostilité envers les Italiens qui en suivit, aux manifestations hostiles organisées çà et là, Bernardo Benevole repart en Italie vendre son théâtre avant de revenir en France où son fils a francisé son nom en… Bénévol.

 

Comme il lui est difficile, voire impossible, de se débarrasser de son accent, il se prétend mexicain, s’habille tel et explique avec le plus grand naturel que son accent vient de cette contrée lointaine. D’ailleurs, dans « Forains d’hier et d’aujourd’hui », Jacques Garnier précise qu’il adopta « un costume de mexicain d’opérette qu’il a toujours conservé, la poitrine constellée de décorations imaginaires. Sa chevelure était enfermée dans un madras dont les pointes retombaient sur le côté jusqu’à l’épaule ».

 

 

 

… au Théâtre Mondain de Dulaar

 

Touche-à-tout de talent, le jeune Bénévol parcourt les foires avec des onguents et des remèdes destinés à apaiser les douleurs.

 

A Paris, on le croise « bonimentant » à l’angle du faubourg du Temple où il vend des pierres miraculeuses censées calmer les rages de dents et soulager les douleurs et les migraines. En fait, il s’agit de vulgaires pierres ponces colorées en vert et en rouge selon les vertus qu’il leur attribuait !

 

Après quelques effets de manches, différents tours de passe-passe et d’escamotage pour rassembler les badauds, Bénévol invite un « baron » à monter près de lui pour une guérison immédiate en lui offrant la pierre en cas de réussite. Pour faire rire le public, il emploie une sorte de sabir mexico-italien, et passe alors pour un magnétiseur de talent.

 

On le retrouve quelques années plus tard sur les fêtes et foires de Picardie où il se produit dans la baraque de la famille Bouchet, dont la fille Hermance partageait sa vie. Puis, en 1898, ce sera au tour du « Théâtre Mondain » de Jérome Dulaar de l’accueillir comme prestidigitateur, puis comme clown musical et dans un numéro de transmission de pensée avec Hermance (qui aide aussi à la caisse).

 

C’est chez Dulaar qu’il mit au point « la Décapitation d’un sujet vivant », qui fera son succès et sa réputation. Les affiches de l’époque l’annonçaient dans la « reproduction exacte de la mort par la hache telle qu’on la pratiquait en France au XVI ème siècle ». Pas moins !

 

Une fois la saison terminée, Bénévol quitta le « Théâtre Mondain » pour monter son propre établissement.

 

 

 

Le Théâtre-Salon Bénévol

 

Il monta pour la première fois son « Théâtre »  à Paris, à l’occasion de l’Exposition universelle de 1900, avec, au programme le… « Cinématographe Américain » qui lui donnait l’occasion de projeter deux ou trois  petits films à la fin de chaque représentation. Succès aidant, Bénévol acquis une nouvelle baraque, et Hermance, sa femme, qui était resté chez Jérome Dulaar le rejoignit pour lui donner la réplique sur scène. Son père l’aidait et l’assistait même dans certains numéros.

 

Sur les champs de foire, Bénévol lançait la parade et invitait le public à entrer à l’intérieur de sa baraque qui comprenait une sallede chaque côté. La scène se trouvant au milieu, il pouvait travailler dans une salle pendant que de l’extérieur, un compère, habillé lui aussi en mexicain, reprenait la parade et remplissait l’autre salle. Tarentino joua longtemps ce rôle auprès du Maître du Mystère.

 

Bénévol débutait le spectacle par sa fameuse « danse spirite », les yeux obstrués par un bandeau. Le public assistait ensuite à de multiples expériences de domination de la volonté à l’état de veille sur des spectateurs consentant. Il faisait monter un jeune homme sur scène et lui faisait éprouver la sensation de la coupure d’un bras alors qu’il n’en était rien, mais l’énigme la plus attrayante était alors le poids qui devenait lourd et léger suivant la fantaisie de l’artiste, ainsi que le relatait L’Intermédiaire Forain à l’époque :  « Tira ! Tira ! clame l’illusionniste et les plus forts ne peuvent soulever de terre le poids plus ou moins rivé au sol par un fluide magnétique. Et, chacun de s’escrimer en vain, tandis que le public manifeste son plaisir par des rires et des bravos ».

 

Le Théâtre-Salon Bénévol, puis le Théâtre féerique Bénévol, qui restait entre 15 jours et 3 semaines, parfois même un mois dans les villes où il s’installait, avait pour principe de ne jamais s’y arrêter deux années de suite pour ne pas lasser le public.

 

 

 

Son grand succès : le Coupeur de tête

 

Parmi les grandes illusions présentées sur les fêtes par Bénévol, : le mystère du coffre hindou, le chapeau qui parle, la marmite infernale, le paravent japonais, sans oublier l’armoire des frères Davenport, l’enterrement et la résurrection du fakir !

 

Cependant, son grand succès demeure…  Le « Coupeur de têtes », ou la réincarnation du bourreau de Paris, présenté dès 1903.  A cette époque, en France, on exécutait encore en place publique et les affiches de Bénévol annonçaient : « Le condamné à mort ou la décapitation d’une personne ». Ce numéro, très bien mis en scène avec, pour décor la prison du Petit Châtelet en 1528, sur une musique de Chopin était un « spectacle digne du Grand Guignol » que François Bénévol  présentait avec talent et désinvolture, même si, en fin de carrière, il était éventé. Cependant, sa présentation et son affichage à la Barnum sauvait tout…

 

En août 1914, la mobilisation générale met fin aux flonflons de la fête. Baraques et métiers sont remisés. Les forains mobilisés partent pour le front, les autres cherchent divers moyens d’existence. Bénévol, un temps interné dans un camp près de Bordeaux (on suspectait alors les étrangers d’être à la solde de l’ennemi), part pour l’Espagne où il entame une tournée avec le même succès qu’en France. Cependant, dès que le gouvernement Français donne son accord à la réouverture des foires et des fêtes foraines, il franchit la frontière dans l’autre sens pour se produire, seul, sur la scène de différents music-hall, puis en tournée avec sa troupe reconstituée. Le Théâtre Bénévol reprend  la route… Parmi les grandes villes et les grandes foires visitées : Rouen, Angers, Nantes, Orléans, Troyes, Bordeaux (Les Quinconces), Nancy, Lyon, Lille…

 

 

 

De grandes tournées populaires

 

Avec son Théâtre-Salon, Bénévol organisait et participait à de grandes tournées populaires qui réunissaient  une pléiade d’artistes. Parmi ceux qui s’y produirent : le professeur Robertson, le mage Roskoff, son vieux complice Camill’ l’homme silhouette, Jacques Inaudi le magicien des chiffres, le transformiste Laurencio, Pickmann, les Violettis, Maximo et Bartola les Aztèques vivants, mais aussi des phénomènes telles Anouma la négresse blanche ou la Princesse Nouma-Hawa, la plus petite beauté du monde, etc.

 

Succès aidant, Bénévol et sa troupe se produisaient aussi bien sur les fêtes foraines qu’au music-hall. Il menait alors joyeuse vie, partagée entre ses tournées en France, en Belgique, au Luxembourg, en Algérie, au Maroc, et des séjours de plus en plus prolongés, de juillet à septembre, dans sa propriété à Fontaine-sur-Somme, où il se livrait à son passe-temps favori : la pêche.

 

 

 

Hommages au…Maître du Mystère
Naturalisé Français en 1927, à l’âge de 62 ans, François Bénévol qui était un homme de spectacle accompli, s’est produit sur scène jusqu’à sa mort, ou presque.

 

En 1936, alors âgé de 71 ans, on le retrouve à la tête d’une tournée d’été dans les villes d’eaux et les cités balnéaires. Mais, sa dernière grande tournée date de 1938. Avec, à l’affiche : Delson le Mystérieux, la gitane Jeniska, les comiques Bobette et Henry, mais aussi le légendaire professeur Bénévol !

 

L’année suivante, en 1939, il se produit seul sur la scène du Casino d’Aix-en-Provence, puis au Petit Casino, à Nice. Ce sera sa dernière représentation publique, puisque c’est dans la Cité des Anges qu’il décède quelques semaines plus tard (le 29 mai) d’une embolie pulmonaire consécutive à un coup de froid lors d’une partie de pêche.

 

Bénévol laissait une fille, Marie, qui après avoir travaillé quelques années avec son père, puis seule ou chez Amar (ce qui donna lieu, à la foire de Bordeaux par ex., à un affichage du style « Bénévol est chez Amar » alors qu’il s’agissait de Marie et non du… Maître du Mystère !), continua de se produire sur les champs de foire avant de s’installer près de Riom, en Auvergne,  où elle vécut jusqu’à sa mort en 1987.

 

Quelques années auparavant, elle avait fait don à la ville de Clermont-Ferrand des costumes, des affiches et des accessoires utilisés par son père durant sa carrière (deux camions de matériel dit-on ! ) Ce qui, en 1982, permit à la ville de rendre un hommage mérité au « Maître du Mystère » à travers une grande et belle exposition organisée par les musées clermontois.