MANIFESTATION NATIONALE LE 15 JUIN

Publié le 06/06/2017 dans ACTUALITES

 

MANIFESTATION NATIONALE LE 15 JUIN POUR LA RECONNAISSANCE DES PROFESSIONS FORAINES ET CIRCASSIENNES

 

Lettre adressée par Maître Cyrille EMERY et Arnaud DUPIN, Avocats,

 

défendant les intérêts des syndicalistes :

 

    - M. Anthony DUBOIS

 

    - M. Nicolas LEMAY

 

    - M. Martial GOUIN

 

    - M. Norman BRUCH

 



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Monsieur Gérard COLLOMB

 

Ministre de l'Intérieur

 

Place Beauvau

 

75800 PARIS CEDEX 08

 

 

 

Le 2 juin 2017.

 

 

 

Objet : situation des professions foraines et circassiennes

 

N/réf : A16/60008 - A17/70224

 

 

 

 

 

PERSONNELLE

 

 

 

Monsieur le Ministre,

 

 

 

En ma qualité d'avocat d'un certain nombre d'organisations représentatives du

 

monde forain et circassien, j'ai l'honneur de vous écrire, avec l'appui de mon confrère

 

Arnaud Dupin, avocat au barreau de Bordeaux, qui représente pour sa part les

 

intérêts du Cidunati forains.

 

 

 

Le 26 mai 2016, en effet, ont eu lieu dans toute la France, et notamment à Paris, des

 

manifestations de professionnels forains et circassiens se plaignant du sort peu

 

enviable qui leur était réservé par la République.

 

Fin juin 2016, votre prédécesseur, M. Bernard Cazeneuve, a compris l'urgence de la

 

situation et a désigné le préfet Gérard Lemaire, conseiller du gouvernement, et le

 

sous-préfet Pascal Faton, dans le cadre d'une mission à vocation interministérielle sur

 

les cirques et les fêtes foraines.

 

 

 

Plusieurs points devaient être examinés, et notamment :

 

1° — L'accueil des cirques et des fêtes foraines sur le domaine public, au coeur des

 

villes et villages de France ;

 

2° — Le régime de la TSVR dite « taxe à l'essieu » ;

 

3° — L'accès des professions itinérantes à l'électricité et à l'eau ;

 

4° — Le débat sur la présence d'animaux, et en particulier d'animaux non

 

domestiques, dans les cirques ;

 

5° — L'accès au permis de conduire « poids-lourd » des jeunes issus de familles

 

foraines ou circassiennes.

 

 

 

En dépit de l'énergie déployée par le préfet Lemaire et le sous-préfet Faton, qu'il faut

 

ici saluer, aucun de ces points n'a donné lieu à des évolutions satisfaisantes à ce jour.

 

C'est même pire qu'en 2016.

 

 

 

1° — S'agissant de l'accueil des cirques et des fêtes foraines sur le domaine public, qui

 

est la condition sine qua non de leur survie, la situation est très préoccupante.

 

L'article 34 de la loi du 9 décembre 2016, dite « Loi Sapin II » prévoyait d'autoriser le

 

gouvernement à légiférer par ordonnance, afin d'organiser l'accès au domaine

 

public : « 1° Les règles d'occupation et de sous-occupation du domaine public, en vue

 

notamment de prévoir des obligations de publicité et de mise en concurrence préalable

 

applicables à certaines autorisations d'occupation et de préciser l'étendue des droits et

 

obligations des bénéficiaires de ces autorisations ».

 

Or, sans aucune concertation avec la mission instituée par Bernard Cazeneuve, la

 

direction des Affaires juridiques du ministère chargé de l'Économie a décidé

 

unilatéralement d'imposer, par une ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017 relative

 

à la propriété des personnes publiques, des obligations de mise en concurrence du

 

domaine public qui sont radicalement incompatibles avec l'exercice des professions

 

du cirque et de la fête foraine.

 

A -priori, et sauf si le gouvernement et le parlement reviennent en urgence sur ces

 

dispositions inacceptables, ces professions sont vouées à disparaître à l'échéance de

 

quelques années, mettant en péril 200 000 personnes.

 

 

 

2° — S'agissant de la taxe spéciale sur certains véhicules routiers (TSVR), dite « taxe

 

à l'essieu », une réforme de ses modalités de prélèvement est intervenue par le biais

 

d'une loi de finances au 1er janvier 2017. Malheureusement, les textes mettant en

 

oeuvre ces dispositions n'ont toujours pas été rédigés, de sorte que certains convois

 

sont verbalisés faute de disposer d'une attestation de paiement pour une taxe dont

 

les conditions d'application et le montant ne sont pas arrêtés...

 

Par ailleurs, le champ d'application de la TSVR est inacceptable, dans la mesure où,

 

en fait, sont exclus de la règle des 25 jours la quasi-totalité des convois forains, alors

 

que cette règle avait été posée précisément dans leur intérêt. Les forains ont, à juste

 

titre, le sentiment qu'on se moque d'eux.

 

Là encore, la situation est pire qu'en 2016.

 

 

 

3° — Les questions d'accès aux fluides (électricité et eau) des professions itinérantes

 

n'ont toujours pas été résolues, les opérateurs (EDF, ENEDIS, opérateurs de réseaux

 

de distribution d'eau...) n'ayant pas été contactés au niveau où ils auraient dû l'être,

 

et restant sourds aux revendications légitimes des professions itinérantes.

 

L'obligation de s'abonner et de se désabonner toutes les semaines ou tous les mois est

 

insupportable, alors qu'il suffirait de créer un abonnement itinérant unique attaché à

 

un exploitant pour résoudre ce problème.

 

 

 

4° — Le débat sur la présence d'animaux dans les cirques prend de l'ampleur et les

 

préfets de départements ne jouent pas tous leur rôle dans le contrôle de légalité des

 

arrêtés et des délibérations prises par les municipalités pour interdire l'installation

 

des cirques avec animaux sur leur territoire. Cette interdiction est illégale, et il

 

convient de donner aux préfets des instructions claires pour déférer

 

systématiquement au juge administratif toute délibération ou tout arrêté prononçant

 

de telles interdictions.

 

 

 

5° — L'accès des jeunes professionnels au permis « poids lourd » est encadré par la

 

législation européenne. Les professions comprennent bien qu'en conséquence, la

 

solution ne dépend pas que de la France. Il convient toutefois de porter cette question

 

au niveau des instances communautaires, afin qu'elle soit traitée au mieux des

 

intérêts de ces professions.

 

S'ajoute à cela l'entrée en vigueur de la loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à

 

la citoyenneté, qui a supprimé le livret de circulation et la commune de rattachement.

 

Plusieurs services chargés de la délivrance des cartes grises dans les préfectures

 

n'acceptent pas d'appliquer les dispositions transitoires de cette loi, qui leur imposent

 

de considérer le CCAS de la commune de rattachement comme lieu de domicile du

 

demandeur (art. 194). Ils exigent désormais la preuve d'un domicile fixe (facture

 

EDF/Enedis, gaz ou téléphone fixe) à des citoyens itinérants, ce qui est gravement

 

attentatoire à leur liberté et à l'égalité entre citoyens que cette loi avait précisément

 

pour objet de promouvoir.

 

Il reste à évoquer le comportement inacceptable des certains élus, et de certains

 

représentants des forces de l'ordre dans leurs relations avec les professionnels du

 

cirque et des arts forains.

 

Il n'est pas acceptable pour ces professionnels d'être injuriés, molestés, maltraités, mis

 

en garde à vue, suspectés, à longueur d'années par des policiers qui méconnaissent

 

étonnement les devoirs de leur charge. La discrimination est un délit, et quand elle

 

est commise par un dépositaire de l'autorité publique, elle est sanctionnée d'une

 

peine pouvant atteindre cinq années d'emprisonnement.

 

J'ai été personnellement témoin d'insultes inacceptables de la part de la commissaire

 

du district d'Antony (Hauts-de-Seine), qui a procédé, à la demande d'un promoteur

 

immobilier, à une expulsion dont elle ne m'a pas permis de connaître le fondement

 

juridique. À ce jour, malgré des demandes réitérées, aucune autorité n'est en mesure

 

de m'indiquer le fondement juridique de cette expulsion manu militari, ce qui est

 

extrêmement grave dans un état de droit.

 

Nous attendons des suites concrètes afin de connaître les conditions dans lesquelles

 

cette expulsion a été décidée et organisée, et j'ai saisi l'IGPN, ainsi que le Défenseur

 

des droits, afin d'obtenir tous les éclaircissements nécessaires.

 

Les forces de l'ordre ne sont pas au-dessus des lois qu'elles ont pour mission de faire

 

appliquer, et les professionnels du cirque et des arts forains ne sont pas des sous-citoyens qu'on peut humilier, molester et insulter impunément.

 

L'attitude d'un nombre grandissant de maires, influencés par des bandes d'activistes

 

antispécistes et animalistes est par ailleurs intolérable.

 

Un maire (celui d'Amphion, Haute-Savoie) qui autorise un cirque à s'installer sur le

 

domaine public communal, et qui, lorsque le convoi arrive dans sa commune,

 

annonce au directeur du cirque que, finalement, il n'est plus autorisé à y faire étape,

 

fait preuve d'une attitude inqualifiable. Où les animaux vont-ils s'abreuver ?

 

Comment réimprimer les affiches des spectacles lorsque toute la tournée est

 

désorganisée de manière soudaine ?

 

La distribution de tracts racistes à l'encontre des gens du cirque dans les boîtes aux

 

lettres des habitants, à l'initiative d'un maire ; la destruction d'affiches (Aquilux) par

 

un maire (Pas-de-Calais) ; l'incitation publique à ne pas assister aux représentations

 

d'un cirque par un maire, en l'occurrence Lionnel Luca (Villeneuve-Loubet) ;

 

l'apposition d'affichettes sur celles d'un cirque avec la mention « spectacle annulé »

 

pour détourner les spectateurs à Chaumontel (Val d'Oise), constituent autant

 

d'attaques outrageantes à l'égard d'une profession clouée au pilori, et caractérisent

 

une discrimination à raison du lieu de résidence (le cirque) qui sont passibles de

 

sanctions pénales pouvant atteindre cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros

 

d'amende.

 

Ces derniers jours, une plainte a été déposée pour une tentative d'incendie criminel

 

contre un cirque à Viry-Chatillon (Essonne). Trois chevaux ont été empoisonnés au

 

nom de la cause animale (Haute-Savoie et Val-de-Marne), puisque, selon ces

 

jusqu'au-boutistes, mieux vaut un cheval mort qu'un cheval séquestré...

 

La commission de tels faits dans une République où tous les citoyens sont supposés

 

être égaux n'est plus supportable ; l'opprobre jeté sur ces professionnels par des élus

 

de la République et par des représentants des forces de l'ordre placées sous votre

 

autorité ne saurait être toléré plus longtemps.

 

 

 

Dans ces conditions, les professionnels du cirque et des arts forains que je représente (Syndicat national des industriels forains, Le Manège enchanté,

 

l'Association de défense des cirques de famille), et celles que mon confrère Arnaud

 

Dupin représente (Cidunati forains) nous ont chargé de vous annoncer que,

 

désormais, les représentants et les membres de ces professions vont reprendre l'action

 

militante, et manifester avec force et vigueur dans les rues, notamment en bloquant

 

les noeuds routiers à la veille des vacances d'été, jusqu'à ce qu'ils soient entendus.

 

Vous ne verrez pas d'inconvénient à ce que cette lettre soit transmise à la presse,

 

compte tenu des enjeux qu'elle comporte pour les 200 000 citoyens français qui,

 

directement ou indirectement, vivent de leur art, dans les cirques et dans les fêtes

 

foraines de notre pays.

 

Nous avons demandé parallèlement à être reçus sans délai à l'Elysée pour que les

 

promesses faites à plusieurs reprises par les plus hautes autorités de l'État soient

 

désormais tenues comme il se doit.

 

 

 

Dans l'attente, nous sollicitons un rendez-vous sans délai afin de pouvoir vous

 

exposer directement et personnellement les difficultés auxquelles ces professions sont

 

exposées quotidiennement.

 

Pour traiter toutes ces questions et y répondre concrètement, les professions foraines

 

et circassiennes exigent, comme l'État s'y était engagé à plusieurs reprises, la mise en place sans délai d'une commission où siégeront les représentants de l'État et ceux des professions concernées, ainsi que la désignation d'un délégué

 

interministériel aux citoyens itinérants, qui pourra prendre en compte, plus

 

largement, toutes les situations découlant de l'itinérance, en ce inclus les gens du

 

voyage.

 

Faut-il rappeler qu'aucun texte juridique, de droit international, européen ou français,

 

n'impose aux personnes physiques de disposer d'un domicile fixe ? Dans ces

 

conditions, est-il si inconvenant de demander à ce que toutes les dispositions et règles

 

qui s'imposent indifféremment aux citoyens sédentaires et itinérants, soient conçues

 

et rédigées de manière à assurer l'égalité de tous devant la loi, dans le respect des

 

différences de chacun ?

 

Nous pensons qu'au-delà des populations étrangères et des réfugiés, qui peuvent,

 

pour un temps ou pour toujours, demander à partager le destin de la République

 

française, les citoyens français itinérants, qui sont plus de 600 000, ne devraient pas

 

rester « dans l'angle mort » des institutions, ni être ostracisés par leurs concitoyens et

 

par l'État.

 

Le Défenseur des droits s'inquiétait récemment du traitement humiliant et dégradant

 

subi par les gens du voyage. De tels comportements sont indignes d'une République

 

qui a érigé l'égalité et la fraternité en valeurs fondatrices. La tolérance implique le

 

respect de l'autre dans sa différence, sinon ce n'est pas la tolérance. Les citoyens

 

itinérants ne sont pas une communauté à part dans la République ; ils sont,

 

individuellement, des citoyens à part entière qui ont les mêmes devoirs, et devraient

 

avoir les mêmes droits.

 

 

 

Dans l'attente de vous rencontrer, veuillez accepter, Monsieur le Ministre,

 

l'expression de notre considération respectueusement dévouée.

 

 

 

Cyrille Emery

 

Avocat associé

 

 

 

Copie :

 

M. le préfet Patrick Strzoda

 

Directeur de cabinet de M. le Président de la République