NOUMA HAWA

NOUMA HAWA

Publié le 07/04/2020 dans HISTOIRES FORAINES

NOUMA HAWA,

UNE CARRIERE EUROPEENNE

 

Sur les champs de foire, dans bon nombre de ménageries foraines, que ce soit à la fin du 19è ou au début du 20è siècle, le mot dompteur a été conjugué au féminin par des femmes aussi talentueuses que  Jeannette Mac Donald, Martha et Marffa la Corse, Sarah Caryth, et bien d’autres encore… Parmi celles-ci, un personnage incontournable : Nouma-Hawa.

 

Née en 1861 du côté de Constantine, en Afrique du Nord, de parents français, toute petite elle jouait dans les oasis où les arabes la surnommèrent… Nouma-Hawa, qui signifie, en hindoustani, « Rosée du soir ».

La légende entourant cette belluaire veut que sa vocation serait née le jour où, voulant emmener avec elle, deux lionceaux qu’elle avait arraché à leur mère, celle-ci, furieuse, bondit sur la fillette en rugissant. L’enfant se retourna, et la regarda fixement jusqu’à ce que la lionne se fige sur place !
Si la véracité de cette histoire est loin d’être avérée, on peut cependant croire Nouma-Hawa lorsqu’elle disait que « pour être dompteuse, on n’a besoin que de beaucoup de sang froid et d’énormément de courage… Et, pour ça, j’en ai ! ».

Notre dompteuse, qui débuta en présentant des serpents en avait ! D’ailleurs, quelques années plus tard, ce sont des fauves qu’elle faisait sauter à travers des cerceaux, sur lesquels elle montait… tout en leur parlant continuellement.

 

Des reptiles aux fauves

Très vite, elle se fit une place parmi les dresseurs et dompteurs les plus célèbres du 19è siècle, telles Miss Cora, Mlle Bach, Miss Rozes. En 1930, dans son ouvrage « Les Dompteurs », Henry Thétard écrivait à son propos :  « Nouma-Hawa fut, avec Catherine Redenbach, Anna Pezon et Anna Masserini, l’une des plus célèbres dompteuses françaises du siècle dernier ».
Il est vrai que cette grande et belle jeune femme brune qui était vêtue soit d’une longue tunique blanche, soit d’un maillot de soie rose rehaussé d’une traîne d’hermine, avait un sacré talent même si elle travaillait en férocité.

Elle se produisit pour la première fois au Cirque d’Hiver, à Paris, en 1882, puis enchaîna sur la scène des Folies Bergères où elle fut blessée par une lionne.

Passée des reptiles aux fauves, elle se produisait indifféremment au music-hall et au cirque, et possédait aussi une importante ménagerie (35 mètres de façade, plus de 70 bêtes dont un éléphant !) qu’elle exploitait avec son mari, le dompteur Pernet, sur les grandes foires (Paris, Orléans, Bourges, Lyon…) où elle n’hésitait pas à faire la contrecarre avec la ménagerie des frères Laurent.

 

Drame à Rome

Nouma-Hawa et Pernet tournaient dans toute l’Europe, et notamment en Italie, avec la « Grande ménagerie Nouma-Hawa » dont les affiches très colorées présentaient les bêtes qu’on pouvait y voir, dont les célèbres ours blancs et le fameux… train de la ménagerie avec ses nombreux wagons !

Le 10 mars 1883, alors qu’ils étaient en représentation à Rome, ce fut le drame… Dans la cage avec Pernet, ils faisaient travailler trois bêtes lorsque la lionne Fanny attaqua et mordit le belluaire à la cuisse. Nouma-Hawa parvint à dégager son mari qui, dur au mal, se fit lui-même un pansement, avant de poursuivre le numéro. Las… il décéda deux jours plus tard d’un empoisonnement du sang !

Nouma-Hawa revint alors à Paris où, en 1884, elle monta à la Foire aux pains d’épices, et continua de tourner sur les fêtes et champs de foire avec le dompteur arménien Agop qui fut à son tour grièvement blessé (plaies à la poitrine et coup de mâchoire sur la main droite) par un tigre.

 

Le sens de la publicité

L’année suivante, alors que pour la Vogue de Lyon, sa ménagerie était installée place Bellecour, face à celle de Bidel, elle défia le maître belluaire de travailler l’un et l’autre dans la cage de l’autre avec des bêtes qu’ils ne connaissaient évidemment pas. La police ayant eu vent de l’affaire « interdit ce match sensationnel » écrit Henry Thétard dans « Les Dompteurs ».

Lyon, une ville chère à son coeur puisqu’il y rencontra celui qui deviendra son second mari, M. Soulet, directeur du Parc de la Tête d’Or.

En 1886, on la retrouvait place de la Nation, à Paris, à l’affiche de la « Ménagerie du Cap », pour la foire aux pains d’épices. L’affiche rappelant alors que… « Soixante-douze journaux lui ont prodigué leurs éloges. Paris a donné à son courageux talent sa consécration définitive, lors de son séjour au Cirque d’Hiver où elle fut dix fois rappelée.
Elle apparaît dans la cage centrale entourée de grands fauves du Mont-Atlas, et fait travailler sous une pluie de feu la terrible lionne qui, le 8 mars 1883, à Rome dévora le dompteur Pernet (…)
».
Sens de la publicité oblige, cette même année, elle annonça aussi sur ses affiches, avoir fait l’acquisition à Marseille d’un tigre du Tonkin, dit « Tigre mangeur d’hommes » !

De plus en plus présente sur les champs de foire, elle délaissa peu à peu les pistes de cirques et les scènes de music-hall pour se consacrer essentiellement à sa ménagerie avec laquelle elle parcourait l’Europe. Une lionne la blessa à Verviers (Belgique) en novembre 1886, et un ours blanc lui déchira la poitrine à Bruxelles en 1888...

Lorsqu’elle débarquait dans une ville ou sur un champ de foire, elle faisait son auto-publicité, annonçant sur sa baraque et dans les journaux locaux « Nouma-Hawa fera exécuter divers exercices au terrible lion Sultan. Celui qui, le 26 novembre 1886, à Verviers (Belgique) fit trois victimes, dont Nouma-Hawa elle-même. A cette occasion, la dompteuse a été décorée de la grande Médaille d’Or des sauveteurs de France, en raison de son courage, cela le 15 décembre 1886 ».

La Suisse et l’Italie
Les années passèrent, et à partir de 1900, elle tourna essentiellement en Suisse et en Italie, où elle se produisait avec un jeune dompteur romain, El Signor Marcel, célèbre dans toute la péninsule italienne, et fit même la danse serpentine dans la cage !

Mais, notre talentueuse belluaire, qui avait aussi une vie amoureuse agitée, succomba au charme d’un séduisant Vénitien de vingt ans plus jeune qu’elle. Une belle histoire qui ne durera que quelques mois. Jusqu’au jour où celui-ci mis un terme à leur liaison… Comme la belle ne savait pas faire les choses à moitié, elle décida de mettre fin à ses jours. Et de façon théâtrale qui plus est !

Elle plaça alors sa tête dans la gueule d’un lion à qui elle donna un coup de canif au même moment pour se faire broyer le crâne. Il n’en fut rien fort heureusement ! La bête enfonça ses crocs certes, mais Nouma-Hawa s’en sorti grièvement blessée.
Un amour chassant l’autre. Une fois rétablie, la voici de nouveau sur les routes avec sa ménagerie et ses bêtes. En 1908, elle triomphait même à Bologne où elle donnait une représentation audacieuse. Voir Nouma-Hawa était toujours un spectacle impressionnant même si la belle jeune femme brune était devenue une femme épanouie qui masquait les années en se drapant d’une robe ample dont les plis cachaient ses rondeurs.
En 1915, alors que le conflit faisait rage en Europe, Mouna-Hawa finit par vendre sa ménagerie après une brillante carrière et de nombreuses blessures, pour se retirer sur les bords du lac Léman où elle vécut jusqu’à la fin de sa vie. L’une des plus talentueuses belluaire de la fin du dix-neuvième et du début du vingtième siècles décéda en 1926 à l’hôpital cantonal de Genève.